À Saint-Louis, l’écosystème de l’entrepreneuriat commence petit à petit à prendre. Des personnes, de la trempe de Moussa Diop, épaulent les jeunes depuis 2022, et les aiguillonnent le maximum possible pour réussir la mise en place ou la gestion de leurs activités. Son objectif est simple, semer la fibre entrepreneuriale chez les jeunes de la capitale du Nord. Dans sa quête, Moussa Diop ne se fixe aucune limite. Le tout, dans une approche très humaine.
Un matin doux à Ndar, comme à l’accoutumée. Pour quelqu’un qui a quitté la ville il y a deux ans, on sent que les choses bougent. La vieille cité est dans une belle mue. Des bâtissent naissent de presque partout, des vocations également, avec des acteurs qui mettent en place des entités, pour accompagner, vers le succès, les populations, grâce à l’entrepreneuriat. Moussa Diop est de ceux-là. Il est le directeur général de « Challenge Hub », une initiative du Groupe de promotion de l’entrepreneuriat au Sénégal (Gpes), spécialisé dans l’offre de services d’aide aux entreprises, la formation professionnelle, l’insertion directe, l’incubation de startups, la promotion des industries culturelles et créatives, le financement participatif, etc.
Toujours au taquet, sourire en coin, l’homme à la bouillie juvénile s’est installé dans les anciens locaux du hub Nord de Jokkolabs (une entité pour l’incubation de projets), situés sur la route de Khor. C’est ici, en ces lieux, qu’il réveille, depuis deux ans, la fibre entrepreneuriale de chaque personne qui pousse la grande porte imposante de ce bâtiment. Son projet, transformer l’espace en un « parc central de l’entrepreneuriat », pour stimuler le penchant de créateur qui dort chez les jeunes de Ndar, la douce.
« Agroboost », « Agrobase » ou l’agriculture au cœur
On y retrouvera bientôt un atelier de formation et de transformation agricole, un autre pour l’installation et la gestion de ferme (plomberie irrigation, solaire, etc.), le bricolage, entre autres, pour créer des vocations. On a eu la chance de tomber sur une réunion pour évaluer les actions du Gpes. Ce dernier est une structure qui concentre en son seins de nombreuses plateformes mises en place par Moussa Diop pour « favoriser l’innovation, soutenir l’ambition, pour un lendemain meilleur pour la jeunesse du Sénégal, en général, et de Saint-Louis en particulier », comme il le dit souvent. Aly Séne, Aichatou Bilale, Abdoulaye Diop sont dans une intense discussion. Au menu, les projets déroulés, ce qui reste à faire, le futur de l’entrepreneuriat, le tout sous la supervision de Moussa Diop qui recadre, apporte des précisions, sur un ton taquin qui ne le quitte jamais. L’homme est un adepte du soft management. Et apparemment, cela lui réussit bien. Durant les échanges, on y évoque pêle-mêle divers programmes, dont les 3 « meet up » (rencontres) populaires pour discuter avec les populations des opportunités entrepreneuriales. Durant ces rendez-vous, Moussa Diop évoque l’écosystème économique de la ville trois fois centenaire.
Dans la Langue de Barbarie, plus précisément à Guet Ndar, « nous avons sensibilisé les populations sur la nécessité de se diversifier avec l’exploitation du gaz ». De plus, poursuit-il, au-delà du village de pêcheurs, à Pikine et Diamaguene, des coachs et autres encadreurs étaient de sortie, pour aider ces populations à développer leur business. De ses différentes actions, et de manière graduelle, un écosystème est en train de se mettre en place, avec une économie circulaire qui voit, petit à petit, le jour, assure fièrement Moussa Diop. Toujours dans les organisations, le « Jigeen up » est venue compléter ces initiatives et « nous avons encadrés plus d’un millier de personnes, dans divers domaines, pour faire éclore le talent entrepreneurial qui sommeille en chacun », assure Moussa Diop.
Le mindset (état d’esprit) est bon au niveau de Saint-Louis, assure-t-il. Saint-Louis commune est dans les contreforts de la Vallée du fleuve Sénégal, zone agricole par excellence, avec des milliers de terres arables, et la disponibilité de l’eau. Pour coller à cette proximité géographique, Moussa Diop a fait de la terre un filon, pour pousser les jeunes à se prendre en charge. C’est tout le sens des projets « Agroboost », « Agrobase » où, lui et son équipe dynamique, permettent aux jeunes « agri-preneurs » (entrepreneur agricole) de se trouver une vocation à travers la terre.
« Entre préparation des pépinières, l’utilisation des engrais, ou la fertilisation du sol, nos jeunes champions découvrent de plus en plus l’art de cultiver », souligne Moussa Diop. Pour lui, c’est une science, et « ils l’ont bien compris, car chaque geste, chaque technique les rapproche de l’expertise ».
Résultats encourageants
Les choses prennent forme petit à petit, mais pour l’impact, Moussa Diop pense qu’il sera perceptible « dans la durée, mais on commence à sentir les résultats ». En effet, dans l’écosystème entrepreneuriale, ça bouge à Saint Louis, depuis 2022, date à la quelle Moussa Diop et son groupe se sont déployés dans la ville. A travers le concept Entrepreneuriat directement assisté (Eda), Mame Diaw, restauratrice, a été éperonnée. « On lui a ouvert un atelier, donné quelques outils, et elle a trouvé sa voie », avoue un Moussa Diop satisfait de ses résultats. Dans le même lot, il cite Djibril (restaurateur incubé) qui a élargi son business, tandis que Mouhamadou Boye, couturier, a pu développer sa marque grâce à l’équipe de Moussa Diop. Dans Saint Louis, l’écosystème entrepreneuriale était mourant, malgré la volonté des uns et des autres. Alors, Moussa Diop s’était juré de faire bouger les choses en faisant sienne la maxime d’un des plus inspirants présidents des Usa, Abraham Lincoln qui disait : « l’engagement est ce qui transforme une promesse en réalité ». Personne n’échappe à la douce furie de Moussa Diop. A travers des « meet up » populaires, le tailleur et vendeur de friperie en même temps, Cheikh Fall, va acquérir des compétences, pour conduire son business.
Fodé Sakho éleveurs de poulets et Mohamed le jeune menuisier métallique du populeux quartier de Pikine, ont vu leur mindset impacté positivement par l’équipe de Moussa Diop. Ce dernier souligne également qu’à Guet Ndar, petit à petit, « les gens font bouger les choses, en initiant diverses activités à forts impacts économiques ». Son projet futur, une régie communale pour former les jeunes, avec des outils décentralisés jusque dans les quartiers, pour leur trouver des emplois. La coopération allemande Giz est venue avec 20 millions de FCfa pour l’encadrement de 30 jeunes.
Avec « Agrobase », six Gie sont coptés pour des terrains de 20 ha, en sus d’une convention pour trois ans, au bénéfice de 150 jeunes, dans le domaine de l’agriculture.
De la politique à l’entrepreneuriat
Pour être dans la politique, il faut être un dur à cuire. Et Moussa Diop en est un, comme aime à le rappeler Abdoulaye Diop, le frère avec qui il travaille. Lui, assistant social, spécialité recherches à l’École nationale de développement sanitaire et social (Endss), et actuellement doctorant en projet et direction des entreprises, à l’Université́ Internationale ibéro-Américaine du Mexique (Unini Mexico), a candidaté pour la mairie de Saint Louis, en 2022, sous la bannière de la coalition « Gox Yu Bes ». Rebelote pour les législatives de la même année, avec la coalition « Aar Sénégal ». Mais en 2024, il s’engage, avec la Coalition Diomaye Président, aux côtés de Pastef/Les patriotes. Victoire.
Le déclic est né après les locales de 2022. Six mois à serrer des mains, 21 jours à présenter son programme, et autant de temps à être sensibilisé par rapport aux problèmes des populations, cela laisse forcément des traces. Car, les mots et maux des populations de Saint-Louis résonnent toujours dans ses oreilles: « faites quelques choses pour nos enfants ». Le fonctionnaire en disponibilité va d’abord organiser ses militantes en Gie, avec une unité de transformation.
Tout ce qu’elles produisent, dit-il, « nous est revendu ». Après la compétition électorale, il est venu avec ses économies pour accompagner les jeunes. Pour Moussa Diop, « les problèmes sont fondamentalement politiques dans ce pays, et il fallait être dans ce champs pour essayer de trouver des solutions ». Lui, petit fils du chef de canton Mouhamadou Ba, grand érudit et entrepreneur agricole à Fass, décide de faire le saut, dans la mare aux crocodiles que constitue la politique.
Loin d’être ébranlé, il s’échine dans ce milieu à proposer, selon lui, quelque chose de neuf, de pur, pour le développement de Saint-Louis. Mission noble, mais tâche ardue. Mais lui pense que « Saint Louis, le bien être de sa population, son développement, valent tous les sacrifices ».
Par Amadou Maguette NDAW