Retraité de l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (Ucg), Ndiaga Camara consacre désormais sa vie à encadrer des élèves à l’école élémentaire El Hadji Douda Mbathie de Hann Village.
Dans une salle de classe à l’école élémentaire El Hadji Doudou Mbathie de Hann Bel-Air, Ndiaga Camara, un calligraphe remarquable, craie à la main, a fini d’écrire, au tableau, l’exercice de géométrie destiné aux élèves de Cm 1 et Cm 2. À peine redressé, il passe aux interrogations préliminaires visant à tester les compétences de ses élèves.
« Comment calcule-t-on le périmètre d’un rectangle ? », s’adresse-t-il aux enfants d’une voix ferme et amicale. Des mains se lèvent. Un petit garçon est interrogé. « C’est longueur + largeur x 2 », répond l’élève. Après une brève explication, il exhorte ses élèves à bien se concentrer avant de porter son attention aux élèves de CI et CP qui ne sont pas concernés par l’exercice.
En cette période de cours de vacances, Père Ndiaga, comme l’appellent ses proches, tient une classe multigrade. Depuis 1990, l’enseignement est devenu un métier de choix, une passion de tous les jours pour Ndiaga Camara. Ce natif de Hann village vit le jour un 9 avril 1960.
D’un père sarakholé, et d’une mère lèbou, Ndiaga est d’une rare courtoisie et d’une agilité remarquable. Circonspect, il a le geste noble de personnes disciplinées par une éducation rigoureuse. Malgré le pied droit qu’il boite légèrement, Père Ndiaga a une allure ferme et dynamique.
Le visage serein dans une noirceur d’ébène, il revient sur sa plus grande déception depuis sa naissance. D’une voix claire, sans aucune sensation de regret, il revient sur sa double fracture au terrain de foot lors des Navétanes de 1982.
Cette même année, il venait d’avoir son Bfem et de passer deuxième au concours d’inspecteur de Police. Tout son rêve de jeune sénégalais était de porter la tenue nationale et d’être primé comme ses modèles, les généraux Médoune Fall et Waly Faye. La convocation de la Police le trouva, hélas, sur un lit d’hôpital.
La résilience incarnée
Il sera radié de la liste des admis. « Cela a beaucoup marqué ma vie. Cette déception m’a rendu malade. Les gens croyaient même que j’avais perdu la raison », confie-t-il d’une voix triste. Remis de sa blessure avec une lourde déception, il se réfugie dans le dur labeur d’ouvrier agricole à Sangalkam, sans informer ses proches.
Sans aucun espoir de réussir sa vie grâce à ses études, il décline l’appel à candidatures du recrutement massif d’enseignants sous le régime de Abdou Diouf. Élevé par sa grand-mère, Mame Fatou Sèye, tous ses vœux étaient de réussir et de prendre soin de cette vieille dame.
Ne pouvant plus revenir en arrière, les activités politiques de sa mère lui ont permis d’avoir une place à l’Ucg en 1993. Malgré les détours de la vie professionnelle à Pout, pour une installation de forage, il obtient son baccalauréat en 1985 au lycée Van Vo de Dakar, actuel Lycée Lamine Guèye. Toutefois, il demeure technicien de surface jusqu’à sa retraite en 2020.
Durant toutes ses années de service comme éboueur, Ndiaga Camara était un enseignant bénévole. Il consacrait ses heures libres aux enfants de son village. Tout ce qui l’anime est le rayonnement de la crème de la société.
« Il est un exemple. Un véritable soldat de l’éducation. Plus de quarante ans, il est au service de l’enseignement », témoigne Lamine Assef Diallo, un ancien élève qu’il avait encadré devenu aujourd’hui le président du Comité de gestion de l’école.
D’ailleurs, c’est avec fierté que Père Ndiaga collabore avec ses anciens élèves dans le cadre des cours de vacances. Il est le pilier de ces cours pour les élèves de l’élémentaire, d’après les responsables de l’Amicale des élèves et étudiants de Hann village.
Le président de la commission pédagogique de ladite amicale, Serigne Lamine Bara Diouf, est un exemple de résultats efficients des enseignements de Père Ndiaga. Reconnaissante, la mère de ce dernier, Nogaye Wade, confie :
« Tous mes enfants ont été encadrés par Pa Ndiaga et ils étaient parmi les meilleurs. Mon fils Bara, actuellement en licence, était toujours parmi les trois premiers de sa classe et ma fille Seynabou était la première du centre. Si ce n’était pas lui, ils n’auraient pas des cours de renforcement devenus si chers aujourd’hui, alors que je n’ai pas les moyens ».
Père Ndiaga est un maillon essentiel de l’école El Hadji Doudou Mbathie. Il est devenu, par sa constance dans l’encadrement des enfants, un patrimoine immatériel de l’école.
D’ailleurs, ces enseignements ne se limitent pas seulement aux enfants. « Il dispense même des cours de français aux adultes qui n’ont pas été à l’école », selon Ismaïla Fall, professeur de Mathématiques et de physique-chimie.
Le directeur de l’école élémentaire El Hadji Doudou Mbathie, Bocar Basse, n’a pas manqué de confirmer le soutien indéfectible que Père Ndiaga apporte à l’établissement. M. Basse, qui côtoie ce passionné de l’éducation depuis 2021, est marqué par sa sensibilité à l’égard des enfants et de leur devenir.
« Il est très utile », souligne M. Basse, car au-delà de l’encadrement des élèves et de suppléer un enseignant absent, Ndiaga Camara l’appuie parfois dans ses tâches administratives.
Sa seule récompense est la réussite des enfants qu’il souhaite de tout son cœur et de sa modeste personne. Ce qui fait qu’il considère ce travail comme une mission qui lui a été assignée.
« Parfois, je lui conseille de se reposer, mais il me répond : il s’agit seulement d’une mission que Dieu m’a attribuée. Il peut l’arrêter à tout moment », se souvient Thierno Alassane Ba, imam de la mosquée de Hann Village.
Aïda GUÈYE (Stagiaire)