La résidence de l’ambassade du Maroc à Dakar a servi de cadre à un séminaire international autour du thème le lundi 21 juillet 2025: « Vers des chaînes de valeur intégrées pour une Afrique atlantique émergente ».
Organisée dans le cadre des célébrations de la Fête du Trône, cette rencontre a réuni diplomates, chercheurs et responsables politiques pour réfléchir à la construction d’une Afrique atlantique forte, solidaire et interconnectée.
Une ambition panafricaine réaffirmée à Dakar
L’ambassadeur du Maroc au Sénégal, Hassan Naciri, a rappelé la vision du roi Mohammed VI, qui a érigé l’Afrique en priorité stratégique depuis son accession au trône. Il a évoqué plus de 1 000 accords signés avec des pays africains, témoignant d’un engagement résolu pour une coopération continentale structurante. Selon lui, les provinces du sud du Royaume jouent déjà un rôle moteur dans cette dynamique, en devenant des plateformes logistiques, industrielles et énergétiques au service de toute la sous-région. Trois grandes initiatives royales illustrent cette vision : le gazoduc Afrique Atlantique, l’accès des pays sahéliens à l’océan et une coopération renforcée entre les 23 États de la façade atlantique autour de la sécurité, de la connectivité et de l’économie bleue.
Présent à la rencontre, l’ancien président de l’Assemblée nationale du Sénégal, Moustapha Niasse, également ancien ministre des Affaires étrangères et proche du Royaume du Maroc, a livré un discours empreint de lucidité et d’engagement. Revenu sur le devant de la scène après plusieurs mois de retrait, il a profité de la tribune pour aborder la question de la dette, sujet brûlant de l’actualité sénégalaise. Pour lui, la dette ne doit pas être diabolisée, mais appréhendée comme un levier de développement, à condition qu’elle soit utilisée à bon escient. « N’ayons pas peur de la dette ; endettons-nous intelligemment », a-t-il affirmé, plaidant ainsi pour une mobilisation raisonnée des ressources au service d’un projet africain structurant.
Une façade atlantique riche, mais sous-exploitée
Invité à intervenir sur les enjeux géoéconomiques de cette façade maritime, l’économiste sénégalais Moubarack Lô a mis en avant le potentiel colossal de cette zone qui regroupe 23 pays. Avec plus de 70 % des réserves pétrolières et gazières du continent, des ressources minières abondantes – comme la bauxite en Guinée, le manganèse au Gabon ou le fer en Côte d’Ivoire – et un positionnement géographique stratégique, l’Afrique atlantique dispose d’atouts solides pour devenir un moteur du développement africain.
Cependant, a-t-il noté, cette façade peine encore à exprimer pleinement son potentiel. Les chaînes de valeur régionales restent peu développées, l’industrialisation est insuffisante, l’insécurité maritime persiste et les coûts logistiques demeurent très élevés. En Afrique de l’Ouest, les frais de transport représentent jusqu’à 60 % du coût final des produits, soit près du double de la moyenne mondiale. Une situation qui freine considérablement les échanges intra-africains.
Le corridor Tanger – Lagos, catalyseur d’intégration
Face à ces défis, le corridor Tanger–Lagos apparaît comme une solution concrète. Il reliera les grands ports du nord et du sud de l’Atlantique ouest-africain, tout en désenclavant les pays de l’hinterland comme le Mali, le Niger ou le Burkina Faso. Selon Moubarack Lô, ce corridor permettrait de réduire les délais de transit de 30 % en moyenne et de créer des bassins logistiques régionaux autour de villes comme Tanger, Abidjan et Lagos. Une dynamique parfaitement en phase avec les ambitions de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) et les objectifs de la Cedeao.
Le député sénégalais Amadou Ba, représentant du président de l’Assemblée nationale, a salué cette vision d’une souveraineté africaine partagée. Selon lui, l’Afrique atlantique peut devenir un véritable laboratoire d’intégration, où les pays ne se contenteraient plus de fournir des matières premières, mais coconstruiraient la chaîne de valeur, connecteraient leurs ports et formeraient leurs talents.
À travers cette initiative, le Maroc réaffirme sa volonté d’initier une nouvelle phase d’intégration économique atlantique, en misant sur la coopération sud-sud, les synergies régionales et la transformation des ressources locales.
Par Cheikh Gora DIOP