Le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné vendredi pour la première fois directement le Rwanda pour son soutien au M23 qui continue son avancée dans l’est de la République démocratique du Congo, face à une armée congolaise en déroute.
La résolution adoptée à l’unanimité « condamne fermement l’offensive et l’avancée en cours du M23 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu avec le soutien des forces de défense rwandaises », dont 4.000 soldats appuient le M23, selon des experts de l’ONU.
Elle réclame également le retrait du M23 des territoires dont il a pris le contrôle, notamment Goma et Bukavu, et appelle les forces armées rwandaises à « cesser leur soutien au M23 et à immédiatement se retirer du territoire de la RDC, sans préconditions ».
Le Conseil s’était jusqu’à présent contenté de dénoncer les violations de l’intégrité territoriale de la RDC, sans nommer le Rwanda.
Mais de plus en plus de ses membres dénonçaient publiquement Kigali, à l’exception des membres africains du Conseil qui ont finalement soutenu la résolution.
Après s’être s’emparé fin janvier de la grande ville de Goma, le M23, qui a repris les armes en 2021 dans l’est de la République démocratique du Congo – région en proie à des conflits depuis trois décennies – a pris dimanche Bukavu sans rencontrer de fortes résistances.
Le groupe armé continue depuis sans entrave sa progression dans plusieurs directions.
« Quasiment plus aucun militaire congolais ne combat » face au M23, note vendredi un observateur, « les seuls qui combattent encore sont les Wazalendo », des miliciens locaux progouvernementaux.
Des « affrontements quasi-quotidiens » ont opposé ces derniers jours M23 et Wazalendo à Masisi, localité à quelque 80 km au nord-ouest de Goma, indiquait Médecins sans frontières (MSF) jeudi.
– Porte de sortie –
Même scénario ailleurs depuis la chute de Bukavu: les forces armées congolaises (FARDC) et miliciens alliés refluent sans réellement résister, se livrant au passage à des exactions et pillages.
Le conflit a poussé en deux semaines quelque 42.000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, à trouver refuge au Burundi voisins, a indiqué vendredi le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), soulignant un afflux « inédit depuis 25 ans ».
Environ 15.000 personnes ont en outre fui depuis janvier vers d’autres pays frontaliers, dont plus de 13.000 en Ouganda, selon l’agence onusienne.
Le HCR s’attend à voir l’afflux vers le Burundi croître encore à mesure que le M23 se rapproche d’Uvira, ville à la pointe nord-ouest du lac Tanganyka et face à Bujumbura, capitale économique burundaise.
Joints ces derniers jours par l’AFP, des habitants ont décrit un « chaos ».
« Ca fait environ une semaine que je suis enfermée dans ma maison », raconte l’un deux. « La circulation est toujours paralysée, c’est une confusion totale ».
Il constate « depuis un certain temps (…) un repli des FARDC (…) sur Uvira », dont le port est la principale sortie possible pour les militaires congolais en retraite.
Mercredi, des centaines de militaires et leur famille ont traversé la ville à pied pour rejoindre le port, devant des magasins fermés tandis que des tirs attribués aux pillards résonnaient en ville, ont décrit à l’AFP des sources locales.
Selon une source municipale, un « calme précaire » régnait vendredi à Uvira, où le commandant militaire de la zone a pris des « mesures pour sécuriser la population et leurs biens » et des « éléments indisciplinés ont été arrêtés ».
Troupes ougandaises
A 250 km au nord de Goma, le M23 se trouvait vendredi à une quinzaine de km du centre de de Lubero, où tirs et pillages ont accompagné jeudi la fuite des soldats congolais, selon des habitants.
Signe de la débâcle, le porte-parole des FARDC dans la région a exhorté jeudi sur les ondes locales les soldats fuyards à retourner « auprès de leurs autorités ».
Les commerçants de Lubero-centre ont commencé à évacuer leurs marchandises dès mercredi et les écoles sont fermées, selon des habitants et des sources sécuritaires.
Un calme relatif est revenu jeudi soir grâce au déploiement de troupes de l’Ouganda voisin (UPDF), officiellement dans le cadre d’une opération conjointe avec l’armée congolaise.
« Pour l’instant, les UPDF assurent la sécurité. Ils patrouillent partout dans la commune, certains à pied (…) d’autres à bord de chars de combat », relate un habitant de Lubero.
Les analystes s’interrogent sur l’attitude de l’armée ougandaise en cas de rencontre avec les premières colonnes du M23. Kampala est accusée par les experts de l’ONU d’entretenir des relations avec le M23, tout en cherchant à protéger son influence dans cette zone proche de sa frontière.
AFP