Le Rwanda accueillera jusqu’à 250 personnes expulsées des Etats-Unis dans le cadre d’un accord conclu avec Washington, a annoncé Kigali mardi, nouvel épisode d’une vaste campagne américaine pour envoyer des migrants présents sur son sol vers des pays tiers.
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier, son administration a négocié plusieurs accords critiqués qui lui ont déjà permis d’envoyer des étrangers vers le Soudan du Sud, l’Eswatini ou le Salvador, pays dont ils n’étaient souvent pas originaires.
« Le Rwanda a convenu avec les Etats-Unis d’accueillir jusqu’à 250 migrants. Notamment parce que presque toutes les familles rwandaises ont connu les difficultés du déplacement et que nos valeurs sociétales reposent sur la réintégration et la réhabilitation », a expliqué à l’AFP sa porte-parole Yolande Makolo.
Un accord du même genre avait été signé avec le Royaume-Uni, finalement annulé en 2024 par le nouveau gouvernement britannique après avoir généré d’intenses polémiques.
En vertu du texte annoncé mardi, « le Rwanda a la possibilité d’approuver chaque personne proposée pour la réinstallation », a ajouté Mme Makolo qui a précisé que les personnes en question bénéficieraient « d’une formation professionnelle, de soins de santé et d’une aide au logement ».
Elle n’a cependant pas détaillé de calendrier, ni les nationalités des individus en question, ni ce que le Rwanda recevra en contrepartie.
« Je fournirai plus de détails une fois que ceux-ci auront été élaborés », a-t-elle indiqué.
Un porte-parole du département d’Etat américain n’a pas confirmé cet accord, mais a indiqué que Washington « collaborait avec le Rwanda sur une éventail de priorités communes », la mise en oeuvre des politiques d’immigration de l’administration Trump constituant « une priorité absolue ».
D’autres pays ont, avant le Rwanda, déjà reçu des migrants expulsés des Etats-Unis: huit d’entre eux ont été pris en charge en juillet par le Soudan du Sud, pays en proie à la pauvreté et l’insécurité, et un seul en était originaire.
Cinq personnes en situation irrégulière aux Etats-Unis et originaires de pays d’Asie ou des Caraïbes ont aussi été expulsés en juillet vers l’Eswatini, petit pays d’Afrique australe, l’administration Trump ayant expliqué que leurs propres pays refusaient d’accueillir ces « criminels ».
Le président américain a fait de la lutte contre l’immigration clandestine une priorité absolue, promettant la plus grande campagne d’expulsion de l’histoire américaine.
– « Enfer » –
En mars, 252 hommes avaient été expulsé vers le Salvador, la plupart pour appartenance présumée au gang vénézuélien Tren de Aragua, déclaré organisation « terroriste » par Washington, et incarcérés dans une prison de haute sécurité connue pour la dureté de ses conditions. Tous ont été rapatriés mi-juillet au Venezuela.
Plusieurs d’entre eux, interrogés par l’AFP, ont raconté des conditions d’incarcération proches de l' »enfer » au Salvador, faites de coups, de privations et d’humiliations.
Lundi, Caracas a affirmé que seuls 20 de ses ressortissants avaient un casier judiciaire, dont sept pour des infractions graves, et qu' »aucun n’était lié au Tren de Aragua ».
D’après une analyse menée par l’AFP sur la base de données officielles, le nombre d’immigrés envoyés dans des centres de rétention aux Etats-Unis, un préalable à leur expulsion, a atteint un record, avec plus de 60.000 individus détenus en juin, dont 71% ne disposaient d’aucun casier judiciaire.
Le Rwanda, petit pays d’environ 13 millions d’habitants, qui a connu une forte croissance économique depuis le génocide de 1994 – au moins 800.000 personnes avaient péri selon l’ONU, pour la plupart des Tutsi mais aussi des Hutu modérés -, est fréquemment critiqué pour son bilan en matière de droits humains.
Son président Paul Kagame, élu l’an passé pour un quatrième mandat avec 99,18% des voix, est accusé par ses détracteurs de museler toute opposition.
Au sujet de l’accord migratoire entre Kigali et Londres, qui avait payé 288 millions d’euros, la Cour suprême britannique avait statué que l’envoi de migrants au Rwanda dans le cadre de cet accord serait illégal car il « les exposerait à un risque réel de mauvais traitements ».
Le petit pays d’Afrique des Grands Lacs fait également face ces derniers mois à une pression croissante concernant son implication dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), région riche en minerais mais déchirée par les conflits depuis plus de 30 ans.
Le groupe armé M23 – soutenu par le Rwanda – a lancé une offensive éclair début 2025, lors de laquelle il s’est emparé de plusieurs villes stratégiques.
Kinshasa et Kigali ont signé en juin à Washington un accord de paix, dont les dispositions doivent encore être mises en œuvre.
AFP