Retrait des pays de l’Aes de la Cedeao : Un divorce qui pourrait coûter cher

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En décidant de couper les amarres avec la Cedeao, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui forment l’Alliance des Etats du Sahel (Aes), pourraient ne plus bénéficier de certains avantages qu’offre l’organisation communautaire, notamment sur les plans institutionnel, politique, financier, socioéconomique…

Lors de son sommet extraordinaire du 24 février 2024, tenu à Abuja, les chefs d’Etat et de gouvernement mettaient déjà en garde les pays de l’Alliance des Etats du Sahel sur les implications politiques, socioéconomiques, financières et institutionnelles d’un départ de l’organisation communautaire. Cette mise en garde n’a pas empêché le Mali, le Burkina et le Niger de rester fermes sur leur décision « irréversible » de quitter la Cedeao. Le sommet de dimanche dernier acte donc le divorce au 29 janvier prochain, avec une période de transition au cours de laquelle ces trois pays ont la possibilité de réintégrer les rangs de l’organisation ouest-africaine, qui leur avait infligé des sanctions suite à des coups d’Etat. Mission a été donnée au président Bassirou Diomaye Faye de continuer sa médiation pour éviter un second départ de pays membres, après celui de la Mauritanie en 2000.

Si le scenario d’une rupture devait survenir, la Confédération de l’Aes pourrait perdre beaucoup d’avantages et de facilités qu’offre le parapluie communautaire. Sur le plan politique et sécuritaire, la coopération en matière de sécurité, d’échange de renseignements et de participation aux initiatives régionales de lutte contre le terrorisme pourrait prendre fin, avertit le document. La Cedeao, accusée de ne pas assez soutenir les pays de l’Aes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, la criminalité organisée, rappelle dans son communiqué d’alors que le Mali, le Burkina et le Niger ont pourtant bénéficié d’un appui de 100 millions de dollars mobilisés par l’Uemoa, au titre du Plan d’action de la Cedeao contre le terrorisme.

Sur le plan socioéconomique, tout retrait affecte automatiquement le statut des citoyens de ces trois pays en matière d’immigration. Les 72 millions de Maliens, Burkinabè et Nigériens pourraient donc se voir obligés de disposer d’un visa pour voyager dans l’espace communautaire. Selon le document, ils pourraient ne plus bénéficier du droit de résidence ou de création d’entreprises comme le prévoient les accords de la Cedeao. Un retrait de l’organisation, c’est le risque pour leurs ressortissants de subir diverses lois nationales, mais surtout de ne plus pouvoir utiliser le passeport, la carte d’identité nationale biométrique de la Cedeao et l’assurance automobile « carte brune de la Cedeao » à l’échelle de l’espace régional.

Des projets de plus de 500 millions de dollars menacés

L’organisation sous-régionale pourrait également arrêter ou suspendre tous ses projets/programmes évalués à plus de 500 millions de dollars au profit des pays membres. Parmi ceux-ci, il y a la Réserve régionale de sécurité alimentaire, le Mali, le Burkina et le Niger accueillant des stocks de près de 17.000 tonnes, soit 52% du stock régional. Les pays de l’Aes sont concernés par le projet de marché régional de l’électricité de la Cedeao, qui est un système d’échanges électriques ouest-africain, reliant tous les Etats membres au réseau électrique régional. Sans oublier le projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (Pariis), d’un montant de 103,43 millions de dollars, financé par la Banque mondiale.

Sur le plan financier, la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (Bidc) et la Banque ouest-africaine de développement (Boad), dans le cadre de leurs engagements, déroulent 27 projets du secteur public au Mali (08), au Burkina (09) et au Niger (10), et 20 projets du secteur privé (Burkina 05, Mali 13 et Niger 02). Ces projets, selon le document de la Cedeao, sont évalués à environ 321,6 millions de dollars. Les pays de l’Aes représentent près de 22,5% du portefeuille total de la Bidc dans les 15 Etats membres de la Cedeao. Leur contribution, eux trois, à son capital s’élève à 33,1 millions de dollars (13 millions pour le Burkina Faso, 9,5 millions pour le Mali et 10,5 millions pour le Niger).

Quant aux implications institutionnelles, quatre agences régionales seraient menacées de fermeture au Burkina Faso, deux organismes régionaux au Mali et un bureau régional au Niger. Conséquence : c’est la sécurité de l’emploi de quelque 130 membres du personnel de la Cedeao dans ces pays qui est menacée. Il s’agit de 77 Burkinabè, 23 Maliens et 32 Nigériens.

Risques de perturbation du commerce intracommunautaire

Sur un autre registre, au plan commercial, un divorce pourrait perturber les échanges intracommunautaires, en particulier le commerce de produits non transformés tels que le bétail, le poisson, les produits agricoles, les minéraux, artisanaux traditionnels et ceux industriels d’origine communautaire, avertit le communiqué du sommet extraordinaire d’Abuja de février dernier.

De leur côté, les dirigeants des trois Etats membres de l’Aes ont annoncé l’ouverture de leurs frontières aux ressortissants de la Cedeao, qui pourront circuler, résider et s’établir librement dans leurs territoires, sous réserve des législations nationales.  L’Aes « est un espace sans visa pour tout ressortissant des Etats membres » de la Cedeao, avec « le droit d’entrer, de circuler, de résider, de s’établir et de sortir sur le territoire des Etats membres de la Confédération des Etats du Sahel dans le respect des textes nationaux en vigueur », annonce un communiqué signé par le chef de l’Etat malien, le général Assimi Goïta, président de l’Alliance. Cette annonce sonne-t-elle comme une volonté des pays de l’Aes, enclavés et très vastes, de tendre la main aux voisins de la Cedeao, en cas de rupture définitive ?

Malick CISS

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