Depuis le début du conflit, l’Ukraine a perdu le quart de sa population. Kiev, qui cherche à intégrer l’Union européenne, réclame un parapluie de sécurité.
Depuis le début de la guerre, en février 2022, l’Ukraine a enregistré une baisse de 10 millions d’habitants. L’information est donnée par Maksym Subkh, un diplomate ukrainien chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique au ministère des Affaires étrangères ukrainien. « Avant, nous étions 40 millions de personnes ; maintenant, nous sommes une trentaine.
Il y a environ 10 millions de moins », souligne l’officiel lors d’une rencontre avec une délégation de journalistes africains. Il explique qu’il y a certes des morts, mais que l’écrasante majorité de ces personnes sont parties dans d’autres pays, notamment ceux de l’Union européenne. Selon les chiffres officiels de Kiev, les réfugiés ukrainiens dans l’Union européenne sont plus de sept millions. Rappelant qu’ils sont très bien intégrés et qu’ils contribuent positivement à la croissance de certains pays comme la Pologne, M. Subkh estime que leur retour après la guerre pourrait être problématique.
« Nous n’avons pas choisi cette guerre. On nous l’a imposée. Personne au monde ne veut autant la paix que les Ukrainiens. L’Ukraine est prête pour la paix, pour le dialogue. Cela fait cent jours que nous avons proposé un cessez-le-feu, mais la Russie pose toujours des conditions irréalistes. Nous n’avons pas besoin de conditions pour un cessez-le-feu », souligne le diplomate, qui estime que la communauté internationale doit imposer à Moscou le dialogue.
Il précise : « Je suis sûr que la Russie ne veut écouter personne. Elle a des préoccupations précises : occuper l’Ukraine. »
Clin d’œil à l’Afrique
« On ne doit pas être indifférent à la guerre en Ukraine, parce que ce qui s’y passe a un impact partout dans le monde. Ce scénario peut se reproduire ailleurs. Si de grands pays envahissent de petits pays, on ne sait jamais jusqu’où cela peut aller », insiste Maksym Subkh.
Il soutient que son pays ne fera aucune concession territoriale et que personne ne leur dictera ce qu’ils doivent faire. « Il y a une unité nationale comme jamais auparavant », précise-t-il. Et il s’interroge : « Qui va nous protéger, si c’est notre propre voisin qui nous envahit ? » avant d’arguer : « Il nous faut un parapluie. » Il annonce : « Nous sommes un pays souverain. Nous nous sentons Européens. Nous ne voulons pas retourner au vieux système socialiste. Nous voulons aussi devenir membre de l’Otan. » Selon son ambassadrice à Kiev, Mme Katarina Mathernová, le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne suit son cours et se déroulera normalement.
Elle a salué les efforts faits par l’Ukraine en un temps record. Toutefois, à propos de la guerre, elle n’exclut pas que l’Ukraine puisse, temporairement, perdre sa souveraineté sur certaines parties de son territoire actuellement contrôlées par Moscou. Évoquant les pourparlers d’Istanbul, le diplomate ukrainien soutient que « la guerre est loin d’être terminée, vu les positions russes». « Personne, soutient-il, ne peut accepter l’occupation d’un pays par un autre. Nous sommes un pays pacifique », souligne-t-il. Selon lui, il y a une violation flagrante de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Il parle d’une « guerre coloniale, menée de façon plus sophistiquée pour permettre à la Russie d’éviter les responsabilités ». Il estime que la Russie essaie de monopoliser l’héritage de l’Urss.
Héritage de l’Urss
Le chef du Moyen-Orient et de l’Afrique au ministère des Affaires étrangères ukrainien, Maksym Subkh, a rappelé que son pays n’a pas oublié l’initiative africaine de paix lancée en 2023, menée à l’époque par le président sud-africain Cyril Ramaphosa.
L’année dernière, son pays a ouvert huit ambassades en Afrique. « Pour un pays en guerre, c’est un effort énorme », soutient-il. Et de poursuivre : « Nous voulons renforcer nos relations diplomatiques avec les pays du continent. » D’ailleurs, précise le diplomate, Kiev compte mettre en place un master en études africaines ; créer des centres d’études ukrainiennes en Afrique ; et renforcer les relations commerciales et économiques avec le continent. Il est également revenu sur le programme « Graines pour l’Afrique», visant à fournir du blé aux pays africains qui le souhaitent. « Nous invitons davantage de pays africains à s’intéresser au programme. Nous ne voulons pas le politiser », précise le diplomate, qui pense que les deux parties peuvent également établir des coentreprises dans plusieurs domaines. Il y a des Africains établis en Ukraine qui n’ont pas fui le pays malgré la guerre.
C’est le cas d’Abdoulaye Sadio Diallo, président de l’Association des Africains d’Ukraine. Ce Guinéen, marié à une Ukrainienne, vit « depuis plus de 30 ans en Ukraine ». Il estime, en tant que responsable moral de la communauté africaine d’Ukraine, qu’il se devait de superviser le départ de ceux qui le souhaitaient. « Je dois être le dernier à quitter ce pays qui m’a tout donné », soutient-il. Ainsi, avec son ami nigérian, le Dr Aniki Johnson, il fait partie des rares Africains qui sont restés. « Avant la guerre, il y avait beaucoup d’Africains ici. Ils sont presque tous partis ».