Comme la plupart des femmes qui se rendent à l’hôpital de Gaza-ville pour leurs examens prénataux, Fatima Arafa affiche un visage marqué par la fatigue, signe d’une malnutrition provoquée par les pénuries liées à la guerre.
Après 21 mois de guerre, alors qu’Israël n’a que légèrement desserré le blocus humanitaire imposé au territoire palestinien, les pénuries de vie et d’eau potable caractérisent particulièrement les femmes enceintes.
« Je suis dans mon sixième mois de grossesse et je ne parviens pas à assurer le minimum pour la mener à terme », raconte Mme Arafa à l’AFP, avant de regagner le camp de fortune où elle et sa famille ont trouvé refuge après avoir fui leur maison dans le nord de la bande de Gaza.
« Le docteur Said va me faire une transfusion sanguine parce que je suis mal nourrie. Et quand je veux manger ou acheter de la nourriture, je ne peux pas, parce qu’il n’y a rien à manger », confie cette femme de 34 ans, au visage amaigri et pâle.
– « Hausse brutale » –
Médecins sans frontières a dit observer « une augmentation brutale et sans précédent de la malnutrition aiguë » dans la bande de Gaza.
Plus de 700 femmes enceintes ou allaitantes ainsi qu’environ 500 enfants souffrant de malnutrition modérée ou sévère ont été pris en charge dans deux des cliniques de MSF.
Dans celle de Gaza-ville, le nombre de cas a presque quadruplé en deux mois, passant de 293 en mai à 983 début juillet, précise l’ONG.
« En raison de la malnutrition généralisée chez les femmes enceintes et du manque d’eau et d’hygiène, de nombreux bébés naissent prématurément. Notre unité de soins intensifs néonatals est totalement saturée, avec quatre à cinq bébés partageant une seule couveuse », alerte Joanne Perry, médecin de MSF à Gaza.
Fathi al-Dahdouh, obstétricien à l’hôpital Al-Helou où Mme Arafa est suivie, confirme à l’AFP une forte augmentation des fausses couches depuis le début de la guerre.
« Il y a huit à neuf fausses couches par jour dans la ville de Gaza et nous ignorons si cela est dû aux effets de la guerre, aux explosifs ou bien au manque de nutrition et d’immunité », souligne-t-il.
– « Epuisement général » –
Le docteur Dahdouh souligne que la guerre pèse lourdement sur les femmes enceintes et les jeunes mères.
Le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a alerté, en mai, sur le fait que 17.000 femmes enceintes ou allaitantes à Gaza auront besoin d’un traitement contre la malnutrition aiguë au cours des 11 prochains mois.
Cet avertissement a été lancé alors qu’Israël maintenait son blocus de l’aide humanitaire dans l’objectif de contredire le mouvement islamiste Hamas à se rendre, avant de n’autoriser qu’un flux minimal d’aide à partir de la fin mai.
« Elles arrivent ici avec une tension basse, une grande faiblesse, de la fatigue et un épuisement général, dus à la situation dans le pays et à l’absence de nutrition », explique encore le Dr Dahdouh.
Pour Fatima Arafa, se rendre à ses rendez-vous médicaux est déjà une épreuve. Si la zone de l’hôpital Al-Helou a été relativement épargnée par les combats, la pénurie de carburant la contraint à parcourir le trajet à pied, sous une chaleur accablante.
De retour dans son abri – une maison endommagée aux murs faits de bâches en plastique – Mme Arafa, son mari Zahdi et leurs quatre enfants partagent un repas fourni par une organisation caritative : un ragoût de pâtes et de lentilles, les seuls aliments encore accessibles pour la majorité des habitants.
Le repas est préparé sur un feu allumé à même le sol, faute de gaz.
Selon les agences de l’ONU et les ONG présentes sur place, le volume d’aide qui parvient à Gaza reste largement insuffisant, tandis que les professionnels de santé travaillent dans des conditions extrêmement dégradées.
L’attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre, a fait 1.219 morts du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles.
Au moins 57.762 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans la campagne de représailles israéliennes à Gaza, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l’ONU.
AFP