Au Sénégal, l’enseignement supérieur a fait un grand bond en avant, aussi bien en termes d’infrastructures que d’effectifs d’étudiants, de Personnel d’enseignement et de recherche (Per) et de Personnel administratif, technique et de service (Pats). De deux universités publiques (Ucad et Ugb) jusqu’en 2007, l’on est ensuite passé à cinq avec la création de celles de Thiès, Ziguinchor et Bambey, puis à 10 à partir de 2013, avec l’érection d’universités à Diamniadio (Uam), dans le Sine-Saloum (Ussein), le Sénégal oriental (Uso), le nord du pays (Usn) et l’université virtuelle (Un-Cak).
Pendant ce temps, le nombre d’étudiants est passé de 93 000 en 2012 à près de 286 000 en 2023, public et privé compris, selon le Pr Massamba Diouf, directeur général de l’Autorité nationale d’assurance qualité de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Anaq-Sup). Quant au sous-secteur du privé supérieur, il a suivi le même rythme, passant, il y a plus d’une dizaine d’années, de plus de 100 établissements à « environ 300 (298 plus exactement). Il compte le tiers du nombre d’étudiants global, soit un peu plus de 95.000 », dixit Pr Diouf. (Le Soleil du vendredi 30 mai 2025).
Si cela peut être considéré par certains comme une réelle performance, il faut cependant relativiser. Car, le pays est encore loin de la norme Unesco, qui voudrait qu’il y ait 2 % de la population dans le supérieur. Pour le Sénégal, ce chiffre devrait être un peu plus de 360.000, si l’on se réfère à sa population estimée à plus de 18 millions d’habitants. Nous avons donc un écart de plus de 74.000 étudiants à combler. Pendant ce temps, le Maroc enregistre 1,3 million d’étudiants dans l’enseignement supérieur en 2023, soit une hausse de 6,8 %, dont 94 % proviennent du secteur public (Cf. Aujourd’hui Le Maroc du 27 septembre 2023). Alors que la Tunisie a plus de 315 000 étudiants, selon le site La Presse.tn du 31 janvier 2025.
« Le faible nombre d’étudiants n’est pas l’unique problème du Sénégal. Le grand mal réside dans l’habilitation, aussi bien dans le public que dans le privé. Surtout dans le privé ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Sur les 298 établissements privés d’enseignement supérieur recensés, seuls une centaine sont aujourd’hui habilités à délivrer des diplômes reconnus par l’État », d’après toujours le Pr Massamba Diouf, qui ajoute qu’actuellement, « seuls 14 du privé disposent d’un agrément définitif et 86 rencontrent encore des difficultés pour obtenir une habilitation ».
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Autrement dit, près de 200 établissements privés délivrent des diplômes non reconnus, arnaquant ainsi parents et étudiants. Ces résultats ne traduisent que la tendance qui s’est dessinée depuis 2016, soit trois ans après le début de l’évaluation par l’Anaq-Sup. Cette année-là, disait le défunt Dg de l’Anaq, Pr Papa Guèye, dans une interview avec Le Soleil : « Au vu des données, les performances ont été beaucoup moins bonnes que d’habitude, aussi bien pour le public que pour le privé. Le public a soumis 17 diplômes, et le conseil en a accrédité 5 et suspendu sa décision sur un dossier, ce qui fait un taux de réussite de 29 %. Quant au privé, 47 diplômes ont été présentés et 11 ont été accrédités, ce qui donne un taux de réussite de 26 %. Concernant les agréments définitifs des établissements privés, nous avons reçu de la Dges 11 dossiers, et 2 ont obtenu un avis favorable du Conseil scientifique, après évaluation par les experts, ce qui donne un taux de réussite de 18 % », disait-il.
Le pire, c’est que nombre d’établissements fonctionnent toujours avec un agrément provisoire qui, en réalité, « n’est valide, en principe, que pour un an », dénonçait feu Papa Guèye. Il s’y ajoute la forte publicité, à la limite mensongère, que mènent certains établissements. Pendant ce temps, l’État ne sévit pas ; parents et étudiants perdent argent et efforts. Autant souligner qu’il y a nécessairement un impératif de qualité, afin de bâtir un enseignement supérieur crédible, compétitif et capable de répondre aux standards mondiaux – seul gage de validation de nos diplômes aux plans national et international et donc de permettre à nos étudiants d’accéder à des opportunités académiques et professionnelles.
daouda.mane@lesoleil.sn