Elles n’ont certainement pas été sous les feux de la rampe à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Elles ne sont pas du genre à se bousculer aux avant-postes pour se faire voir par ceux qui choisissent celles qui doivent recevoir les honneurs des médias et d’être célébrées durant la traditionnelle quinzaine de la femme qui a baissé ses rideaux la semaine écoulée.
Dans un quasi-anonymat, elles ont regardé de loin s’estomper la surchauffe médiatique autour de « la femme, moitié du monde » et voir les choses revenir à la case départ. C’est-à-dire l’indifférence générale rendue précoce par l’effervescente occurrence des préparatifs de la fête qui ont précipité cette ferveur des jours d’avant dans les méandres de l’oubli. Averties des enjeux et des conséquences immuables pour elles et pour leurs familles des impacts du nexus « crise climatique-migrations forcées-insalubrité et pauvretés » (c’est-à-dire à cette intrication complexe de tous ces problèmes auxquels sont les femmes transformatrices des différents sites de cette ville de la Petite Côte), ces femmes ont commencé par fédérer plusieurs associations ou groupements qui œuvraient toutes, dans la protection de l’environnement à travers diverses activités comme le reboisement de la mangrove, la protection des tortues marines, la promotion l’écotourisme, la transformation des produits halieutiques. Avec comme premier résultat : l’initiative collective durant l’année 2010, de plantation massive de 2,4ha soit 6000 plants dans le but de fixer les dunes sur la pointe Finio qui sépare la lagune et l’Océan atlantique.
Au faîte, à la fois, des enjeux socio-économiques et écologiques d’efficacité énergétique et de préservation de qualité de l’environnement, l’engagement déterminé de ces égéries de l’Economie sociale solidaire (Ees), version sénégalaise, s’est soldé, cette année-là, par des réalisations probantes au chapitre desquelles : la construction de la digue de protection du quai construit dans le cadre du Projet fonds d’adaptation à l’érosion côtière dans les zones vulnérables vise entre autres objectifs à sécuriser l’activité des pêcheurs. Mais aussi, l’érection à Joal, en tant que réponse communautaire aux nombreuses crises que connaissait le secteur des pêches, de l’Aire marine protégée (Amp) de la zone ; large celle-ci de 174 km carrés et dont elles aujourd’hui, au cœur sont au cœur de la gestion.
Et last but not least l’érection dans le nouveau site de transformation de Khelcom d’espaces réservés pour servir de crèches communautaires ou les petits enfants sont gardés. Mais aussi de nouvelles installations de cuisson symbolisées par le prototype de four moderne installé sur le site de Khelcom dans le but d’améliorer les conditions d’hygiène et de salubrité du processus de transformation des produits halieutiques par le feu et de réduire considérablement la consommation en énergie tirée de la biomasse. Source éclairée de cet engagement décisif, le leadership des femmes transformatrices a permis, aussi, de prendre à bras-le-corps ce problème que pendant longtemps n’ont cessé de ressasser leurs congénères à travers la voix qui porte de Teneng Ndiaye, alors Présidente du groupement des femmes transformatrices du site de Khelcom à Joal, et leader communautaire qui s’insurgeait contre « la grande mainmise » de potentats fortunés dont des étrangers, pour la plupart : « Ils nous imposent leur loi parce que, contrairement aux pauvres femmes que sommes, ils ont l’argent pour financer leurs activités sur le site à leur exclusif profit » affirmait-elle tout en déplorant, par ailleurs « le problème des petits enfants que les femmes qui travaillent sur le site sont obligées de porter sur leur dos avec tous les risques qu’ils encourent sur le plan de leur santé ».
Au-delà de ce qu’ils permettent de comprendre sur cette situation particulière en tant un indicateur de la discrimination qui frappe les femmes concernant ressources des terroirs agricoles, mais aussi foncier halieutique et l’accès aux financements comme socle de leurs activités productives, ces propos de la représentante des femmes transformatrices de Joal-Fadiouth rend plus prégnante, aujourd’hui que jamais, cette dimension importante de notre économie mais qui reste largement invisible : celle de la problématique du travail de soins non rémunéré des femmes. Lesquelles fournissent des services domestiques essentiels au sein des ménages, pour les autres ménages et pour les membres de la communauté. Mais aussi des réponses à lui trouver dans le cadre des politiques publiques et de leur la budgétisation sensible au genre à travers ces questions majeures comme : les externalités positives et négatives du travail non rémunéré des femmes dans les performances économiques de nos pays ; les inconvénients de sa non-valorisation. En somme, de la question de savoir comment assurer la prise en compte du travail non rémunéré dans les systèmes de comptabilité nationale. *Ees : Economie sociale et solidaire
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)