Au Burkina Faso, le journalisme se pratique désormais en première ligne. Trois reporters interpellés pour avoir trop parlé ont été réquisitionnés, armes et micros à la main, pour « couvrir la réalité » de la lutte antijihadiste. Voilà une manière radicale de rapprocher la presse du terrain. Trop critique ? Direction le front. Trop curieux ? Voici un treillis. Une école du reportage d’un genre nouveau, où l’investigation se mène au bout d’un fusil. Grâce à un décret de mobilisation de 2023, toute voix dissonante peut être enrôlée manu militari. D’un simple document administratif, la parole devient engagement forcé.
D’une question, un fusil. Guézouma Sanogo et Boukari Ouoba, dirigeants de l’Association des journalistes du Burkina, dénonçaient encore récemment les atteintes « jamais égalées » à la liberté de la presse. Voilà qui est fait : non seulement suspendus, les journalistes sont désormais promus au rang de combattants involontaires. Certains diront que la junte pousse le journalisme immersif un peu loin. D’autres, plus lucides, verront le message : ici, la parole ne se contente plus d’être muselée. Elle est enrôlée, exposée, prise pour cible. Après tout, un reporter sous pression finit toujours par changer de ton. Ou par se taire. sidy.diop@lesoleil.sn