Au Sénégal, le sérieux est devenu un dinosaure : trop lent, trop lourd, trop vieux jeu. L’époque ne veut plus de profondeur, elle préfère les reflets. Et sous les projecteurs du Grand Bégué national, c’est l’éclat qui compte, pas la densité. On célèbre l’apparence, on applaudit la posture, on acclame le bruit. Ce pays, jadis bastion de l’effort et de l’élégance discrète, est, aujourd’hui, le terrain de jeu des baratineurs décorés. Les nouveaux passeurs d’espoir ? Des stylistes de l’éphémère.
Ils « coupent les cordes du déshonneur » à grands coups de sabar, mais surtout à coups de liasses, jetées en l’air comme des feuilles mortes, pendant que les caméras filment, fascinées. L’ordre ancien ? Un mauvais souvenir. L’abnégation ? Un mot à bannir du dictionnaire. Il faut maintenant briller, frimer, défiler. Il faut être vu, et surtout vu à la bonne place. Le savoir est devenu un poids mort. La pensée ? Un luxe inutile. L’essentiel, c’est le show, le son, la sape, la scène. Il ne reste plus que la célébration, perpétuelle, creuse, festive. Mais chuuut. Ne critiquez pas trop fort. Vous seriez taxé d’élitisme. On vous traiterait de nostalgique, de donneur de leçon, ou pire : de sérieux. Et le sérieux, ici, c’est devenu une insulte./ sidy.diop@lesoleil.sn