Au Sénégal, l’info ne défile plus, elle dégaine. On n’écrit plus, on tire. À boulets rouges, à mitraille verbale, à rafales syntaxiques. Chaque matin, le lecteur ouvre son journal comme on entre dans un champ de mines. Il ne s’informe pas, il prend position.
Il ne lit pas, il esquive. Un tel foudroie l’opposition. L’autre dégomme son adversaire. Le troisième, moins poète, sort le bazooka. On dirait que tout le monde a fait son service militaire chez les métaphores belliqueuses. Même les « revueurs » de presse s’y mettent, propulsés généraux de salons dans une guerre où le verbe tue plus sûrement que le canon. Autrefois, on débattait ! On argumentait, même avec mauvaise foi ! Aujourd’hui, on humilie, on écrase, on anéantit – sans même un mot plus haut que l’autre, juste un tweet plus court que l’éclair. La presse n’informe plus : elle bombarde. C’est à celui qui aura le titre le plus explosif, la phrase la plus létale. On ne parle pas politique, on fait la guerre. Guerre d’égos, guerre d’influence, guerre de mots. Mais une guerre quand même. Et sans armistice en vue. La vérité, dans tout ça ? Elle rampe, pauvre soldat désarmé, entre deux punchlines. sidy.diop@lesoleil.sn