Dans le monde des autoportraits, on dit que l’important, c’est l’arrière-plan. Pas toujours drôle, mais souvent bien plus grave. Au Sénégal, c’est pire. Parce qu’ici, l’arrière-plan, c’est souvent une personne mal en point, «mitraillée», comme une proie bien ciblée. Kracc, kracc… Il y a quelques semaines, sur l’autoroute, un accident mortel a eu lieu. J’ai été sidéré par la passivité des témoins, pourtant potentiels premiers secouristes. Tous étaient bien trop occupés à filmer. Une scène qui renseigne sur la gravité de cette pathologie bien réelle chez nous. Désormais, on ne rate jamais une occasion d’appuyer sur le déclencheur, obnubilés par une quête effrénée du «scoop». En véritable star de TikTok et Instagram, tous les moyens sont bons pour satisfaire ses followers. Voilà ce que c’est qu’un «bon influenceur». Peu importe la sensibilité des images. «L’info» doit être donnée, vite fait, et très mal fait. Il faut une véritable «philosophie du selfie» pour comprendre cette mauvaise farce qui pousse à immortaliser, à tout prix, ces scènes dramatiques dont on est témoin, sans penser à sauver des vies, pourtant si précieuses. Diantre, quelle mouche nous a piqués ? Ma foi, nous sommes tous devenus sadiques.
Le billet de Salla GUÈYE