Les pics, déclics et même répliques entre l’Algérie et la France ne se comptent plus dans l’histoire des relations qu’entretiennent ces deux pays. À chaque épisode, sont contées les scènes de ménage donnant ainsi l’image d’un divorce, recollage, réconciliation et dispute en en plus finir. La dernière séquence des tensions entre l’Algérie et la France a ainsi atteint le sommet des deux États. Ces relations souvent tumultueuses et fâcheuses et rarement joyeuses sont symboliques et symptomatiques du biais colonial entre la France et ses anciennes colonies.
Mais c’est avec la présidence d’Emmanuel Macron que les pics les plus élevés ont sans doute été touchés. Par ses déclarations que l’Algérie juge souvent «hasardeuses» et «pas respectueuses» comme celle de septembre 2021 où le Président français affirmait que « le système politico-militaire algérien s’est construit sur une rente mémorielle », la relation n’a pas été facile. La semaine dernière, il y a eu une autre tournure avec des relents d’escalade avec une lettre écrite par le chef d’État français à son Premier ministre de suspendre formellement un accord de 2013 avec l’Algérie qui permettait aux titulaires d’un passeport diplomatique ou de service d’être exemptés de visas de court séjour. Si la question d’Algériens arrêtés en France, des refus d’accueillir des personnes frappées de l’Obligation de quitter le territoire français (Oqtf) ou de procès intentés en Algérie contre des Français sont les faces visibles de cette détérioration subite des relations entre les deux pays, il se trouve que le rapprochement orchestré par la France vers le Maroc a été le point de déclic. Jusque-là prudente sur la question du Sahara occidental, la France avait décidé ainsi de s’aligner sur le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental de 2007 qui, selon une lettre d’Emmanuel Macron, « est la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ».
Dans cet épineux dossier qui est à la fois d’un intérêt vital et stratégique pour le Maroc, l’Algérie a été pendant longtemps à l’initiative, en servant de mentor et de sponsor du Front Polisario. Cette avance du Maroc sur le dossier sahraoui n’est pas le seul où le Royaume tente de surclasser et même de dépasser son voisin. Sur la question du Sahel où l’Algérie a longtemps été l’un des maillons essentiels de la médiation internationale, elle commence également à perdre du terrain. Avec une obsession à trouver des ennemis à l’extérieur, le régime algérien est aujourd’hui en retrait sur beaucoup de ses engagements moraux et internationaux comme il l’a toujours été aux moments forts et fastes de l’embellie des hydrocarbures. Avec son expérience historique de lutte d’indépendance contre la colonisation française, l’Algérie a joué le rôle de grand frère à de nombreux mouvements indépendantistes et irrédentistes en Afrique. Une époque correspond au moment où l’Algérie était en première ligne dans les grands dossiers africains. Galvanisée par son passé combattant et portée par ses ressources naturelles, elle était un passage diplomatique obligé pour la résolution de nombreuses crises africaines.
Aidée par une diplomatie flamboyante et rayonnante, l’Algérie amenait, dans ses valises, beaucoup de dossiers qu’elle avait réussi à imposer dans l’agenda international. Une grande diplomatie d’Alger qui a aussi donné à l’Afrique des noms comme son ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, ancien commissaire de la paix et de la sécurité à l’Union africaine ou encore Lakhdar Brahimi, envoyé spécial des Nations unies en Irak et en Afghanistan. Aujourd’hui, l’Algérie, engluée dans des urgences nationales, a vu sa présence internationale se rétrécir et elle a besoin d’un renouveau diplomatique pour ainsi bâtir une relation durable et stable avec la France…
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