RAS, Rien à signaler. Les rôles sont bien distribués. Ces jours-ci, les foyers spéculent sur la conjoncture d’avant-Tabaski ; d’autres s’engagent dans la préparation du Dialogue national du 28 mai prochain ; les avocats retroussent leurs manches avec l’afflux de (nombreux) clients liés à des dossiers de détournement de deniers publics, marabouts et charlatans sont sur la même dynamique ; élèves et enseignants préparent les examens, les « influenceurs » continuent d’amuser la galerie jusqu’au moment où leur liberté touche les droits des autres, bref, le pays marche à son rythme.
Mais comme de bien entendu, tout le monde ne vit pas les mêmes problèmes. Visez ce ménage à trois qui s’est terminé à la barre du tribunal de Mbour, vendredi dernier… Asseyez-vous bien. Mettez vos ceintures. Éteignez vos lumières (sauf si vous êtes A. Diédhiou, l’un des époux) et préparez vos mouchoirs. Voici le film avec comme premier rôle une Allemande tombée amoureuse… deux fois. Et de travers. Par ailleurs, on trouve là une nouvelle preuve que la réputation de rigueur des Teutons n’est certes pas surfaite, en ingénierie, en automobile, en football, en philosophie et musique classiques, bière et choucroute. Quand ils y vont, c’est qu’ils y vont. Par contre, pour les histoires de cœur… Une Allemande, appelons la Frau Hector, pensait sans doute que deux maris valent mieux qu’un. Installée à Warang, elle a donc mis dans sa valise « le guide du routard » de la polyandrie assumée et s’est retrouvée mariée à A. Diédhiou, tout en gardant en stock, si l’on ose écrire, un certain M. Bâ. Dieu seul sait quelles sont les compétences de l’un et de l’autre des époux, mais le fait est qu’elle pensait pouvoir « gérer » les deux Casanova. Au tribunal, l’Allemande a déclaré avoir décidé d’épouser Diédhiou parce que Bâ la violentait.
En tout cas, mauvais calcul : ce dernier l’aurait, lui aussi, prise pour un punching-ball. Entre deux coups de colère, monsieur pique aussi des crises parce que — tenez-vous bien — sa douce lui cache son chanvre indien. Oui, oui. Son « yamba ». Son « nana menthe » de Jamaïque. Le mis en cause a déclaré, pour se justifier, qu’il s’en est pris à son épouse parce qu’elle le prive souvent de son péché mignon. Mais la fumée signale autre chose, car il y a une affaire dans l’affaire : est-il possible de saisir la justice sous un statut interdit par la loi (polyandrie), sans être inquiétée à son tour. Mais voilà, le tribunal, moins compréhensif, envoie le vaillant Diédhiou goûter à la promiscuité carcérale : six mois, dont un ferme. Pas pour la polyandrie, mais pour les baffes et les robinets ouverts à fond les manettes. Car oui, quand le vaillant Diédhiou est fâché, il fait des dégâts : il allume toutes les lampes de la maison et laisse l’eau couler. L’homme est militant écologiste à l’envers. Normal, aussi, il ne payait jamais les factures ! On ne sait pourquoi d’ailleurs, nous francophones d’Afrique subsaharienne, « Ich liebe dich », -je t’aime-, est la première phrase que nous baragouinons dans la langue des Germains dès les premières années de lycée, avec l’accent guttural si possible pour faire martial.
Ce n’est vraiment pas l’idiome idéal pour conter fleurettes, mais il est constant que les sieurs Bâ et Diédhiou ont prononcé la phrase-culte et fait mouche. Si ce n’est le contraire avec Frau Hector dans le rôle du messager. Les stations balnéaires de la Petite-Côte sont un autre monde, et s’y déroulent quelquefois des situations cocasses poussant à motiver l’idée d’en faire une sorte de sanctuaire du cinéma, du genre « Salywood ». C’est connu, sous les tropiques, certaines Européennes cherchent à réécrire leur histoire, loin du froid et des solitudes qu’elles laissent derrière elles. La Petite-Côte, avec ses plages, ses promesses d’amour et ses éphèbes, devient alors le décor d’une seconde vie rêvée — souvent construite sur des méprises. Ainsi procède Cupidon ! Les cœurs battent parfois à contretemps, surtout quand l’amour traverse les frontières avec dans ses valises malentendus culturels et vie à plusieurs vitesses. Morale de l’histoire ? Quand on dit que l’amour est un sport de combat, ce n’est pas une métaphore pour tout le monde. Frau Hector, elle, est rentrée à Warang avec un cœur cabossé, deux ex et une facture d’eau salée. Près de la mer… *Attention en allemand samboudian.kamara@lesoleil.sn