Unoc 3 a démarré, il y a deux jours, sur les chapeaux de roues. À Nice, mégapole française de la Côte d’Azur sur les bords de la Méditerranée devenue l’épicentre de tous les espoirs légitimes que charrie la IIIe Conférence des Nations unies pour les Océans (Unoc 3) à laquelle le Sénégal, en tant qu’État partie à tous les Ame (Accords multilatéraux sur l’environnement), est une partie prenante des plus engagées.
Porté par les peuples du monde, Unoc 3 serait un « autre pas de géant pour l’Humanité » si, dans le sillage de Montego Bay, cette conférence sur les océans devait déboucher sur un nouveau régime consolidé du droit de la mer. Et démentir, ainsi, tous ceux-là qui (par snobisme intellectuel ou surfant sur la houle du nihilisme complotiste à la backslash climato-sceptique et anti-démocratique arrimé aux pouvoirs de l’argent) sont souvent tentés de jeter l’opprobre sur la diplomatie environnementale multilatérale et de clamer que les négociations internationales autour des Cop (climat, biodiversité et autres) « ne servent à rien ».
Dans deux jours, quand les rideaux vont tomber sur Unoc 3, il faut espérer que non seulement il y ait un consensus fort sur la mobilisation des investissements annuels de 175 milliards de dollars nécessaires pour que l’économie maritime devienne durable et inclusive, mais que l’Accord qui sera signé au terme de Unoc 3 de Nice puisse permettre une plus grande coopération entre les gouvernements, le secteur privé, les organisations intergouvernementales, les communautés côtières et la société civile sur les urgences et les actions à mener ensemble comme la transformation des ports bleus et le trafic maritime… Si ce sera le cas, ils seront alors nombreux, à cet instant-là, les analystes, historiens des droits des communautés halieutiques qui vont rappeler ce que Montego Bay (Jamaïque) a été et restera dans l’histoire.
Car l’adoption par les Nations unies, en 1982, de la Convention sur le droit de la mer a théoriquement mis fin, partout dans le monde, et en Afrique notamment, à l’ancien régime de quasi-liberté de navigation et de pêche adossée à une vision surannée de l’océan que les êtres humains ont considéré à tort, depuis l’ère industrielle comme une source intarissable de ressources indispensables à la vie sur terre. Mais aussi comme un dépotoir incontrôlé où l’on pouvait jeter (sans craintes ni risques) des déchets de toutes nature, rebuts dangereux en tous genres de la société de consommation. Cette convention des droits de la mer, plus connue sous son appellation de la Convention de Montego Bay, instaure un équilibre entre souveraineté des États et liberté de navigation et de pêche, en créant la Zee (zone économique exclusive) comme concept opérant et nouvelle forme de délimitation des espaces dans les océans et les mers.
La Convention des droits de la mer stipule, en effet, que : « Les États côtiers ont un droit de pêche exclusif et sont propriétaires des ressources vivantes et minières localisées dans la bande marine de 200 miles adjacente à leurs côtes ». Malgré la ratification de cette convention de Montego Bay par beaucoup de pays de la frange littorale du continent africain, parmi lesquels le Sénégal (Loi numéro 84-67 du 16 août 1984), la gouvernance des écosystèmes marins et la gestion des ressources d’origine océaniques sont encore fortement marquées dans les pays de la zone maritime ouest-africaine par ces deux donnes intrinsèquement liées.
D’une part, l’altération croissante des écosystèmes aquatiques et côtiers liée aux perturbations anthropiques dangereuses du système climatique. Et d’autre part, les effets pervers de ce que le chercheur Laurent Delcourt appelle la mondialisation du « boom de l’halieutique », conséquence d’une hausse constante de la consommation de poisson qui a fait de la pêche une industrie lucrative. (Cf-Laurent Delcourt ; « Pêche et mondialisation : enjeux et défis » Cetri-Centre tricontinental-Etudes 2017 ; 15 mars 2017). Ce « boom halieutique » s’étant traduit par plusieurs facteurs négatifs comme l’explosion des inégalités, l’aggravation des conflits pour le contrôle de la ressource, l’effondrement des stocks de poissons et autres produits vivants de la mer. Le tout concourant à une accentuation de la crise du secteur et des ressources, consécutive à l’émergence de nouveaux mécanismes de marché qui menacent les conditions de vie déjà précaires des communautés de pêche artisanale.