La semaine prochaine, la Banque africaine de développement (Bad) devrait connaître son nouveau président.
Parmi les cinq prétendants figure notre compatriote Amadou Hott, qui a mené une campagne sobre, mais que beaucoup d’observateurs considèrent comme l’un des favoris. Et ce qui s’est passé la semaine dernière à Abidjan — là où devrait également se faire le choix du remplaçant d’Adesina lors des Assemblées annuelles de la Bad — lors de l’Africa Ceo Forum tend à confirmer que l’ancien ministre de l’Économie a toutes ses chances. Alors que tout le monde attendait avec impatience que les candidats débattent à nouveau, tous, sauf lui, se sont désistés à la dernière minute, poussant les organisateurs à annuler la joute verbale sur fond de propositions programmatiques. De quoi le Tchadien, la Sud-Africaine, le Mauritanien et le Zambien ont-ils peur ? Il est des signes qui ne trompent pas.
Lors du premier débat organisé par The Brookings Institution, le 24 avril 2025, en marge des réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fmi, Hott s’était montré plus à son avantage que ses adversaires, démontrant une certaine maîtrise des questions et des enjeux de l’heure, passant de l’anglais au français avec une aisance remarquable. Dans la course à la présidence de la Bad, cet aspect est loin d’être négligeable. Au sortir de cette confrontation, donc, ses adversaires se sont certainement dit qu’il serait risqué, à deux semaines de l’élection, de se mesurer encore à l’ancien directeur général du Fonsis. La même attitude prudente qu’adoptent certaines équipes de football à la veille d’une grande compétition internationale : éviter d’affronter des formations de calibre pour ne pas exposer leurs failles. Qui est fou ? Cependant, si Amadou Hott a le profil idéal pour diriger la Bad et que ses chances sont grandes, l’histoire nous apprend que, lorsqu’il s’agit de ces instances internationales, rien n’est jamais gagné d’avance.
L’année dernière, notre compatriote Ibrahima Socé Fall a perdu le poste de directeur régional de l’Organisation mondiale de la santé pour la région Afrique au profit du candidat tanzanien — décédé quelques semaines plus tard. Et pourtant, tout le monde le donnait déjà vainqueur. En 2017, malgré un Cv aussi long que le bras et un parcours des plus enviables, le professeur Abdoulaye Bathily a été éliminé dès le premier tour de l’élection à la présidence de la Commission de l’Union africaine. À l’époque, celui qui était ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, avait soutenu que cet échec de l’émérite historien n’était pas le signe d’un « isolement diplomatique » du Sénégal, comme l’ont prétendu certains analystes, mais plutôt la résultante de « jeux de positionnement et d’intérêts personnels ». Le langage n’est pas diplomatique, et on a connu plus fleuri, mais il traduisait une réalité qui sautait aux yeux : le défaut de solidarité sous-régionale. Comme en 2017, le vote du bloc de l’Afrique de l’Ouest sera le grand enjeu. La première bataille qu’Amadou Hott devra gagner avant de prétendre remporter la guerre continentale. L’argument selon lequel le sortant, Adesina, est ressortissant de la partie occidentale du continent (Nigeria), ne tient pas la route.
La rotation que certains veulent faire peser dans la balance n’est pas un critère pertinent pour diriger une organisation de la taille et de l’importance de la Bad. Mettre en avant un tel paramètre, c’est prendre le risque de faire un choix par défaut, de placer à sa tête le moins compétent. Au regard de ce qui est attendu de la Bad, ce serait aller à l’aventure, ce que l’Afrique ne doit pas se permettre. Ce n’est pas du chauvinisme de le dire — même s’il n’est parfois pas interdit d’être chauvin lorsqu’un fils du pays est en lice dans une compétition —, mais Amadou Hott est, de tous les candidats, celui qui semble le mieux armé pour diriger la Bad. Le Sénégal a déjà placé de grands dirigeants à la tête d’instances internationales. Pour la Bad, justement, le président qui a le plus marqué cette institution est Sénégalais : Babacar Ndiaye, qui a dirigé la Banque de 1985 à 1995. D’ailleurs, un prix africain porte son nom: Prix Grand Bâtisseur-Trophée Babacar Ndiaye, qui récompense, chaque année, un chef d’État africain pour ses réalisations dans le domaine des infrastructures. Amadou Mahtar Mbow également a laissé une empreinte indélébile à la tête de l’Unesco, de même que Jacques Diouf à la Fao. Nul doute qu’Amadou Hott, une fois élu, saura être à la hauteur de ses valeureux compatriotes et aînés. elhadjibrahima.thiam@lesoleil.sn