Dans une tribune publiée à la veille du deuxième dialogue Brésil-Afrique qui s’est tenu du 19 au 23 mai 2025, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a réaffirmé les ambitions de son pays pour une reconnexion avec le continent africain. Artisan de ce rapprochement entre ces deux zones séparées par l’océan Atlantique mais rapprochées par une multitude de similitudes culturelles, Lula, dans son premier passage à la tête du Brésil (2002-2010), a développé une coopération dynamique et prolifique avec l’Afrique. Sa vingtaine de visites en Afrique, comme il l’a écrit dans sa tribune, montre clairement qu’il voit en ce continent non pas le voisin d’en face mais un partenaire pour les ambitions globales que le Brésil nourrit depuis plusieurs décennies.
Acteur majeur et fondateur du « Global South », le Brésil fait partie des grands ensembles géopolitiques et géoéconomiques comme les Brics ou le G20 dans lesquels les pays du Sud veulent imprimer leurs marques et empreintes dans la conduite des affaires du monde. Le Brésil a plusieurs atouts dans la tentative de reconnexion avec l’Afrique lancée depuis le début des années 2000 et ralentie néanmoins par la parenthèse Bolsonaro. Vaste pays de l’Amérique latine, ce pays a connu des avancées économiques majeures.
Ce qui lui a donné cette influence dont il jouit maintenant. Ainsi, comme pour toutes ces nouvelles puissances globales ou régionales en quête de reconnaissance, l’Afrique est un passage obligé et un pivot important pour prétendre à plus d’ambitions ; le continent africain ayant les ressources naturelles, un marché en pleine croissance et des dynamiques de développement en forte évolution. Les chances du Brésil, au-delà d’avoir une certaine proximité culturelle avec l’Afrique, c’est aussi de partager la langue portugaise avec six pays africains (Cap-Vert, Guinée-Bissau, Angola, Mozambique, Guinée-Équatoriale, Sao Tomé-et-Principe) en plus d’avoir une bonne partie de sa population qui est composée d’Afro-descendants.
Le Brésil, c’est aussi de grands progrès dans des thématiques et problématiques de ce siècle comme la souveraineté alimentaire ou la transition énergétique où l’Afrique compte en tirer un certain avantage. Vrai modèle de réussite dans le domaine de l’agroalimentaire grâce à ses vastes étendues de terre, à la technologie et aussi au rôle décisif de l’État dans la promotion de l’agriculture, le Brésil peut ainsi, avec le partage d’expériences, de connaissances et le transfert de technologies, aider beaucoup de pays africains à faire des sauts quantitatifs dans leur objectif d’aller vers une souveraineté et une sécurité alimentaire.
« Le dialogue entre le Brésil et l’Afrique est un jalon du rapport historique et stratégique qui unit nos peuples. Il est aussi une priorité de mon gouvernement. Il souligne des liens historiques, des valeurs partagées et l’engagement dans une coopération fondée sur la solidarité, le respect mutuel et la promotion de l’inclusion sociale et du développement durable », a avancé le président Lula dans sa tribune. Malgré cet intérêt politique manifeste et l’attrait économique certain, le partenariat entre l’Afrique et le Brésil peut se heurter à certains obstacles comme les contingences de politique intérieure. Confronté à quelques soubresauts sociaux ces dernières années, surtout durant la présidence Bolsonaro, le Brésil est aussi dans une ambivalence dans sa politique étrangère, surtout avec les États-Unis qui considèrent l’Amérique Latine comme une arrière-cour.
Il faudra aussi que ce pays puisse conjurer les affres du racisme qui avec la montée de l’extrême droite a créé des balafres dans la société brésilienne. Les attaques et meurtres dont sont souvent victimes les émigrés africains dans les rues de Brasilia, Sao Paulo ou Rio de Janeiro comme celui dernièrement de l’émigré sénégalais Ngagne Mbaye au mois d’avril dernier sont autant de contraintes qui peuvent altérer la reconnexion africaine du Brésil. Ses ambitions africaines aussi… oumar.ndiaye@lesoleil.sn