La récente visite de travail (16-18 mai) du Premier ministre Ousmane Sonko au Burkina Faso continue de susciter des interrogations sur le bien-fondé de la démarche.
Sur plusieurs plateaux de radios et de télévisions, on voit et entend encore des chroniqueurs, des journalistes et des invités dénoncer ce voyage, le qualifiant d’inopportun et contraire à la tradition républicaine du Sénégal. Un responsable politique de publier sur sa page Facebook : « Le leader de Pastef met sur le même plan la démocratie et la prise de pouvoir par les armes. Ce qui brouille les repères fondamentaux du régime républicain ». Un célèbre chroniqueur d’écrire : « En s’affichant avec quelqu’un qui est arrivé au pouvoir par les armes, Sonko révèle au monde entier son vrai visage de parrain des dictateurs ».
Et un journaliste-présentateur d’ajouter : « Notre pays pouvait se passer de cette mauvaise publicité ». Certains sont allés même plus loin en parlant d’une « légitimation des autorités burkinabè » arrivées au pouvoir, comme on le sait, par un coup d’État militaire. Des propos sans doute exagérés, tenus par des adversaires dont la stratégie est connue : brouiller l’historique déclaration de Ouaga sur le panafricanisme et le souverainisme. Le lynchage médiatique n’a finalement rien pu faire.
Tout s’est très bien terminé. Sonko a fait passer son message. Message qui résonne encore dans les quatre coins du continent. En réalité, il ne pouvait en être autrement. Entre le patron de Pastef et la jeunesse africaine, c’est une longue histoire d’amour et d’affection mutuelle. Une relation de confiance bâtie sur un discours panafricaniste de vérité. Un autre pays aurait accueilli Sonko, on allait avoir le même résultat, le même succès, parce que l’homme est resté constant et cohérent. C’est justement cette constance dans l’approche, dans le discours et dans les actes qui dérangent les pourfendeurs du régime actuel.
Ces derniers pensaient que Sonko, une fois aux affaires, allait faire comme tous les politiques, jouir du pouvoir et « s’aligner », en se déconnectant de la base et en abandonnant camarades, amis, discours et vision. Le ton résolument panafricaniste de Ouagadougou prouve le contraire, indiquant clairement que l’actuel Premier ministre du Sénégal compte rester fidèle à son discours d’opposant, appelant sans cesse à l’unité des peuples du continent et à une rupture claire avec les ingérences étrangères. « Dès lors qu’on nous a dit que nous étions des États indépendants, cette indépendance, nous l’avons arrachée d’une manière ou d’une autre.
C’est à nous de lui donner un contenu », dit Sonko au Burkina, invitant les dirigeants africains à assumer pleinement leur autonomie. Un discours, le même qu’il prononce depuis plus de dix ans et que certains veulent aujourd’hui qu’il abandonne parce qu’il y a, disent-ils, un discours qu’un « Premier ministre du Sénégal ne peut pas tenir ». Trouble constat : ce sont les mêmes détracteurs (ils ont décidément juré de ne plus lâcher le Premier ministre) qui s’étaient indignés de voir le leader de Pastef aller à la prison de Rebeuss pour rendre visite à un fidèle parmi les fidèles, Azoura Fall, symbole de la résistance contre l’oppression du régime Macky Sall.
Voilà où nous en sommes au Sénégal où l’authenticité, la fidélité en amitié et la constance dans les discours des dirigeants sont perçus comme un délit, une atteinte aux fondements de la République. Mais fort heureusement que Ousmane Sonko, fier de son parcours, a très tôt compris l’enjeu, réaffirmant partout qu’il va rester lui-même et qu’il ne se laissera pas corrompre par le pouvoir. « Nous sommes en mission pour l’Afrique. Nous sommes en mission pour le Sénégal. Nous sommes en mission pour libérer ce pays de la mal gouvernance, de la corruption, du clanisme, de l’ethnicisme, de l’incompétence et du complexe vis-à-vis de l’étranger ». C’est donc clair et précis : il ne s’agit nullement de parrainer un régime militaire, mais de participer activement à la construction d’une Afrique souveraine, unie et affranchie de toute tutelle étrangère. abdoulaye.diallo@lesoleil.sn