Le président américain, Donald Trump, a décidé de faire des coupes sombres dans le financement de la recherche scientifique dont son pays demeure le leader mondial.
Les subventions tarissent, les licenciements de scientifiques s’enchaînent, des programmes de recherche sont abandonnés (le réchauffement climatique qui est considéré par Trump comme le plus grand canular du 21e siècle, vaccins, traitement anti-cancéreux, espace, etc.). Les raisons économiques avancées par un pouvoir qui dit vouloir rationaliser les dépenses ont du mal à occulter la vision de Trump sur ces sujets : des tabous qui ne doivent plus engloutir les impôts des contribuables américains. Si durant son premier mandat le président américain s’en prenait à la science et aux scientifiques de façon un peu tatillonne, cette fois la stratégie semble bien réfléchie. « C’est beaucoup plus large et coordonné », relève Jennifer Jones, directrice du Centre pour la science et la démocratie de l’association Union of Concerned Scientists, pour qui « cela sort tout droit du Project 2025 ».
Un grand bond en arrière de plusieurs décennies. « C’est tout simplement colossal. Je n’ai rien vu de tel en 40 ans de recherche aux États-Unis », confie à l’Afp Paul Edwards, directeur d’un programme scientifique à l’université Stanford. Privés de subventions vitales, les chercheurs déplorent une régression et se posent des questions sur leur avenir aux États-Unis. Ces genres de questionnements auxquels étaient confrontés les scientifiques sous le régime nazi d’Adolphe Hitler. On connaît la suite, la crème de la recherche d’alors avait déposé ses baluchons aux États-Unis pour fuir les exactions et porter l’avancée scientifique et technique de leur pays d’accueil. Va-t-on assister au même phénomène dans le sens inverse cette fois-ci ? Déjà que l’Union européenne se présente en havre en ouvrant les bras à tous ces chercheurs à travers son appel « Choose Europe for science » (Choisissez l’Europe pour la science) tout en promettant d’y mettre le nerf de la recherche – et c’est le plus difficile – : l’argent. Selon un sondage de la prestigieuse revue scientifique Nature, publié en fin mars, plus de 1200 scientifiques américains, soit 75 % des près de 1650 sondés envisagent sérieusement de quitter leur pays pour des destinations plus propices à la poursuite de leurs travaux : Canada, Europe ou Australie.
Chez les jeunes, près de 80 % des doctorants et post-doctorants ont des idées d’aller voir ailleurs. « Beaucoup de mes supérieurs me disent de partir, et vite », confie une étudiante en génomique végétale. Si les autres pays veulent profiter de la situation, c’est que la recherche scientifique est un puissant ferment pour la croissance économique et le développement humain, notamment en générant de nouvelles connaissances, des solutions et des avancées technologiques susceptibles d’améliorer la qualité de vie des populations. C’est aussi grâce à elle que les plus grands défis posés à l’humanité ont été relevés, la dernière en date étant la pandémie de Covid-19. Selon des experts du Fmi, la croissance économique augmente avec la hausse de la production scientifique.
La productivité, mais aussi et surtout la capacité à créer davantage de produits avec les mêmes facteurs, est déterminante, et cela passe par l’innovation. Selon toujours le Fmi, une hausse permanente de 10 % du stock de recherche fondamentale peut augmenter la productivité de 0,3 %. La course aux brevets ne vise rien d’autre que d’impulser le développement économique. C’est en quelque sorte un cercle vertueux : la recherche dope la croissance qui, à son tour, lui assure les moyens d’avancer. Un pays comme la Chine a misé à fond dans ce domaine, se propulsant comme premier pays en termes de nombre d’articles scientifiques publiés les plus cités (407.181 articles par an entre 2018 et 2020, contre 293.434 pour les États-Unis). Quant à l’Afrique qui compte 2,4 % des chercheurs, elle peut tirer un grand bénéfice de son potentiel en augmentant les allocations budgétaires à la recherche. Le continent perd près de 70.000 professionnels hautement qualifiés, le taux le plus élevé au monde du fait des opportunités limitées, de l’instabilité politique, de la faiblesse des salaires. Ce qui hypothèque son développement et renforce sa dépendance. malick.ciss@lesoleil.sn