Cette fois-ci, ce n’est pas une rumeur encore moins une hypothèse : François Bayrou va bel et bien prendre la tête du gouvernement français. L’inamovible président du MoDem va remplacer Michel Barnier, emporté, il y a une semaine, par une motion de censure. Un bon profil au bon moment ? Difficile à dire.
Lors des deux dernières élections (européennes et législatives), les Français avaient clairement exprimé leur rejet de la politique d’Emmanuel Macron. Or, Bayrou, sur la scène politique depuis 1982, est, quelque part, l’incarnation de ce qu’ils remettent en cause à longueur de scrutin en votant de plus en plus pour les extrêmes -droite et gauche. Le maire de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, est non seu lement une figure de la mouvance «macroniste» depuis 2017 (Haut-commissaire ; ministre de la Justice), mais il est aussi le fondateur du MoDem, une formation née de la fusion avec l’Udf, agrégateurs d’un courant politique assez influent, le centrisme, sur lequel s’appuient régulièrement les majorités pour gouverner. Cette famille politique n’échappe pas au désaveu électoral, pas plus qu’elle n’est capable de permettre à Bayrou de disposer d’une majorité au Palais Bourbon. Cependant, il serait une sorte de «moindre mal».
Quatrième Premier ministre en un an, du jamais vu sous la 5e République, il apparait plus comme un mousquetaire qu’un messie vu la réalité parlementaire actuelle marquée par la puissance de La France insoumise et du Rassemblement national que le président Macron persiste à écarter des affaires gouvernementales. Certes, l’homme a des atouts ; il est réputé brillant (normalien, agrégé d’Histoire et spécialiste de Henri IV), riche d’un fort ancrage local et très expérimenté. La carrière de l’enfant de Bordères (où il est né le 25 mai 1951) prend forme en 1993, lorsqu’il est nommé ministre de l’Éducation sous le gouvernement d’Édouard Balladur. Bayrou est alors le plus jeune de l’histoire à occuper ce poste.
Pendant deux ans, il instaure notamment un nouveau baccalauréat et les langues vivantes à l’école primaire. Deux ans plus tard, il rallie Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle ; ce qui conforte son leadership sous la présidence de ce dernier. En plus de l’Éducation nationale, il est également en charge de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Insertion professionnelle. C’est fort de cette expérience que le maire de Pau se lance, en 2002, à la course à l’élection présidentielle. Il se représente en 2007 et en 2012, réalisant, à chaque fois, des scores faibles, moins de 10 % des suffrages. Des résultats décevants qui ne le découragent pas, restant un acteur écouté et avisé de la scène politique française.
Consensus
Souvent prétendant à Matignon et très présent dans les médias, François Bayrou est resté, ces derniers jours, très silencieux. C’est, peut-être, parce que son ami-président Macron lui avait soufflé à l’oreille que «cette fois-ci, c’est la bonne ; je te nommerai Premier ministre». Nomination officialisée, hier, en fin de matinée. Plus qu’une résurrection, il s’agit véritablement d’une consécration pour le Béarnais. Mais, disons-le clairement, ce riche parcours ne suffira pas pour rassurer et redonner confiance aux Français immergés dans l’angoisse et les incertitudes. Il faudra plus au maire de Pau pour être à la hauteur de la mission et des enjeux. Pour ce faire, Bayrou doit être capable de parler à tous les Français sans exclusive. Il devra être ce Premier ministre de consensus, privilégiant le dialogue et dont le seul et unique objectif est de rapprocher les positions, de réconcilier et de remobiliser ses compatriotes.
Toute autre option serait fatale à cette France déjà immergée dans les difficultés et malmenée par toutes sortes de crises. Crise institutionnelle. Crise financière. Crise sociale. Crise de la dette. C’est tout l’enjeu de la nomination de Bayrou qui doit faire preuve de compétence et d’efficacité pour être l’homme de la situation. Il devra jouer à l’équilibriste pour éviter la censure. Première équation : mener des discussions avec des forces politiques incapables de trouver des consensus forts pour constituer un budget.