Pape Natango Mbaye a connu un immense succès dans notre pays pour avoir décroché le Bac S2 avec la mention Bien en écrivant avec ses pieds. Il a fallu un travail acharné, à ce brave garçon de 18 ans, en situation de handicap, pour réussir ce pari et être décoré de la prestigieuse Médaille Gaïndé de la Performance par le chef de l’État. Lors de la dernière édition du Concours général, la République, le regard admiratif, s’est, à son tour, jetée à ses pieds pour le célébrer. Le jeune prodige, avec un air quasi triomphant, a séduit la nation. Il a pu révéler son potentiel pour avoir cru en lui, en ses rêves, son idéal de vie, mais force est de reconnaître que ses parents et son entourage ont aussi du mérite. Ils méritent qu’on jette, à leurs pieds, une écharpe comme il est de coutume dans notre pays pour rendre hommage à des héros. En termes simples, ils méritent bien de marcher sur le tapis rouge.
Pape Natango est le symbole de la résilience et de la persévérance. C’est tout naturellement que l’hilarité s’est emparée de l’assistance dans un contexte où les cœurs se sont endurcis. Il a su toucher la fibre humaine voire humaniste de tout un peuple lors de la cérémonie de remise de distinctions aux meilleurs élèves du Sénégal. Il a su susciter des élans de sympathie. Le nouveau bachelier rappelle une belle leçon de vie : les plus grandes et les plus belles facultés de l’humain se rattachent à son cœur et à son esprit.
Cette expérience personnelle va certainement amorcer des ruptures et éveiller des consciences, car elle montre que ce n’est pas en restant dans l’attente d’un miracle ou d’une main salvatrice qu’on peut insuffler des changements. Que l’action est plus parlante que les vœux pieux et les sempiternels discours. Qu’il suffit aussi d’un brin de volonté pour atteindre ses objectifs en dépit des vicissitudes de la vie.
Il donne aussi raison à celui qui disait « que le bonheur se niche dans les petites choses, une attention, un regard, un soutien discret ». Pape Natango Mbaye, dont la légende racontera l’histoire, rappelle aussi que la bienveillance de l’entourage peut constituer un important levier de performances. Les experts l’ont démontré à l’envi.
La bienveillance et l’acceptation de l’autre dans sa différence renforcent l’humanisme. Elles enrichissent l’humanité qui peut s’appuyer sur tous ses membres, fussent-ils valides ou non valides, pour s’épanouir et mener une vie altruiste. Cette approche n’a pas de prix, mais rapporte gros à l’humanité entière. Elle sert de stimulant pour soulever des montagnes.
Ses propos résonnent fort et poussent à explorer les abysses de l’existence humaine. « Ne laissez jamais votre situation ou les paroles des autres définir vos limites. Battez-vous, croyez-en vous et soyez constants. Moi, j’ai choisi d’y croire. Faites de même ».
Une belle leçon de vie qui motive et qui galvanise tous ceux qui évoluent dans un climat teinté d’hostilité, et font l’objet de moqueries, de stigmatisation ou de rejet systémique à cause de leur situation sociale ou financière.
Dans cet élan, il y a lieu également de composer des chants à la gloire des parents et de tous ceux qui ont contribué à cette belle réussite. Et parce que les réussites sont souvent rares chez ceux-là qui sont rabaissés, humiliés ou méprisés dans nos sociétés africaines.
Honneur revient souvent aux mamans, surtout celles dont les enfants sont en situation de handicap. La vérité crée souvent des malaises, mais dans nos pays en voie de développement, ancrés dans des croyances moyenâgeuses, les stigmates de la superstition continuent à causer des blessures profondes chez de braves dames.
Elles se retrouvent seules avec la charge des enfants à situation de handicap. Elles sont souvent aux prises à des commérages ou des traitements injustes, mais elles ne désespèrent jamais. Elles ne désertent jamais le champ de batailles, conscientes que la vie est faite de combats. Quand elles font briller des génies, c’est toute la nation qui s’approprie cette victoire sur un destin fait de fatalité. Heureusement qu’elles ont compris que « la patience est la clé du succès, qu’il est important de savoir gérer ses peines, sans se plaindre, ni perdre son sang-froid ».
Après l’enthousiasme consécutif au sacre de Pape Natango Mbaye, l’espoir est permis de voir des vies métamorphosées et d’assister progressivement à un changement d’attitudes de ceux-là qui tirent du plaisir à réduire la dignité de leur prochain.
matel.bocoum@lesoleil.sn