On a appris aux hommes à être forts. Ils incarnent la force et la virilité dans toutes les sociétés humaines. On leur colle l’étiquette du « sexe fort », au moment où les femmes incarneraient la faiblesse. Ils sont généralement les coupables des violences physiques, pendant que les femmes en sont les victimes. Ainsi, à l’heure où la communauté internationale s’apprête à célébrer les 16 jours d’activisme consacrés à la lutte contre les violences basées sur le genre, certains hommes n’osent pas élever la voix pour réclamer une justice sociale.
Et pour cause : la société ne peut tolérer qu’ils soient victimes de violences exercées par une femme. Pourtant, dans des sociétés ancrées dans les valeurs patriarcales, de nombreux hommes vivent un véritable calvaire dans leur ménage. Ils passent pour des célibataires dans le mariage. Leur vie rime avec isolement. Ils ne peuvent se permettre de lever le voile sur les violences conjugales ou intrafamiliales qu’ils subissent. Si la violence, combattue à l’échelle mondiale, a toujours revêtu un caractère masculin, elle commence peu à peu à changer de camp en raison de plusieurs facteurs. Un état de fait confirmé dans un article intitulé « Les femmes sont potentiellement aussi violentes que les hommes ».
L’historienne Elissa Maïlander, Professeure associée en Histoire contemporaine, y montre comment certaines brisent cette image de femme pacifique et maternelle. Elle s’est appuyée sur l’exemple des gardiennes d’un camp de concentration pour souligner que « ces femmes ne naissent pas violentes, elles le deviennent ». S’il est avéré qu’une vie de couple n’est pas sans heurts, que tous les humains font face à des épreuves et défis divers, l’expérience a également montré que des membres du sexe fort subissent, en silence, des violences pernicieuses dans leur foyer. À cause des stéréotypes liés au genre, ils sont contraints de ne pas montrer le moindre signe de faiblesse. Dans notre pays, la création de l’Association des maris battus du Sénégal en est la preuve.
La dénomination prête à sourire, mais elle révèle une réalité. Sous leurs abords revêches affichés dehors, des hommes ploient sous le coup de violences psychologiques et verbales, faites d’insultes, de dénigrement constant, de menaces, d’abandon ou de manipulation. D’autres sont victimes de griffures et de morsures. Ils sont conscients d’un fait : la garde des enfants ne peut être assurée par un homme perçu comme faible aux yeux de la société. Ils essaient de maintenir le cap. Or, des articles scientifiques révèlent l’existence d’un nombre important d’hommes souffrant de dépression, d’anxiété, de stress post-traumatique ou développant des idées suicidaires.
C’est le cas d’une étude titrée : « Les violences conjugales à Dakar » (« Domestic Violence in Dakar » en anglais), publiée dans la revue scientifique The Pan African Medical Journal en 2015.
Elle révèle, sur la base de l’échantillon utilisé, que sur 60 personnes victimes de violences conjugales, 29 étaient des hommes (48,3 %), contre 31 femmes (51,7 %). Selon toujours cette enquête menée dans la capitale sénégalaise, 12 hommes sur 25 ont déclaré avoir subi des agressions physiques, 11 hommes sur 13 évoquent une jalousie excessive, et 9 hommes sur 17 font état d’insultes récurrentes. Comme quoi le sexe fort, épris de domination et de supériorité, frôle ses limites et faiblesses. Des données révèlent que pour briser cette chaîne, certains hommes commencent à entreprendre des démarches auprès de professionnels et à porter plainte… matel.bocoum@lesoleil.sn


