Le « ni oui ni non » politique remixé à la sauce foot a vécu depuis qu’Augustin Senghor a décidé officiellement de se lancer dans la course à sa propre succession à la tête de la Fsf. Programmé par le concerné et attendu par toute la famille du ballon rond national pour mars dernier, le fin mot de l’affaire n’est intervenu que trois mois plus tard, la semaine passée. Entrainant avec lui la fin d’un faux suspense, tant il est vrai qu’on sentait le coup venir depuis que, dans la foulée de sa démission de son poste de 1er vice-président de la Caf suite à son échec le 12 mars 2025 à entrer au Comité exécutif de la Fifa, il avait toujours esquivé la question.
Ce qui avait suscité un certain agacement jusque dans les rangs de ceux qui, avec lui, avaient théorisé et lancé le concept « Manko Wutti Ndam li » (« s’unir pour aller chercher la victoire », en Can s’entend). Depuis, d’alliance on est passé à mésalliance. Les rangs se sont fissurés, les brèches se sont élargies, l’unanimité de façade a volé en éclats. Et de nouvelles ambitions se sont faites jour. Jusque dans le saint des saints de la Fsf, le comité exécutif. Le « Manko » est bel et bien mort et enterré ! Place au « Tasaaroo » ou dispersion, même si certains qui avaient sifflé la fin de l’unanimisme ont trouvé le moyen de se retrouver pour aller ensemble au front. Cheikh Seck, un des vice-présidents de la Fsf, et Elimane Lam, membre du Comex, ont décidé de faire équipe avec Abdoulaye Fall de l’As Bambey, leur porte-drapeau pour bouter Augustin Senghor hors du fauteuil. Leur argument ? Même si aucun texte n’interdit à ce dernier de briguer un cinquième mandat, la décence, l’éthique et le respect de la parole donnée devraient l’en empêcher, lui qui avait promis que le … troisième serait le dernier. Depuis, il est vrai que le Sénégal avait raflé presque toutes les compétitions continentales des Nations (Can, Can U20, Can U17, Chan et Beach Soccer). Même s’il faut aussi le dire, entre-temps seul le « football de sable » a conservé sa couronne, en attendant que les « locaux » aillent défendre leur titre en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda, à partir du 2 août prochain. Curieusement, le jour même où se déroulera cette Ag élective de la Fsf…
Ce bilan fort élogieux du président sortant semble être son fonds de commerce, son argument-massue pour rempiler une quatrième fois. Pour le moment en tout cas, car il n’est pas exclu que dans les jours à venir, lui aussi rende public son « projet ». À jamais le premier à avoir réussi une telle performance ! Sauf que ses contradicteurs trouvent qu’un bilan, si flatteur et exceptionnel soit-il, ne saurait tenir lieu de programme. Puisque des programmes, eux en ont concocté qu’ils vendent depuis aux futurs électeurs. Entre autres points saillants, le trio Fall – Seck – Lam se dit motivé par « un souci d’unité et de développement du football sénégalais » et de mettre en place « une fédération forte, transparente et au service de tous les acteurs du football ». Mady Touré, le président fondateur de l’académie Génération Foot, candidat malheureux au poste en 2021, revient cette année avec pour ambition « de mettre en pratique une vision claire et audacieuse pour l’avenir de notre football, avec des bases solides et durables. » Alors que Moustapha Kamara, président du Coton Sports de Tamba, pour qui « l’heure du changement a sonné », a un programme baptisé « Le football pour tous », qui concerne « d’abord, la gouvernance, ensuite le développement et l’inclusion, puis la croissance économique. Il faut que tous les acteurs, joueurs, entraîneurs et clubs, soient ensemble et organisés sous forme de groupements, de syndicat (…) ». L’heure est donc au lobbying tous azimuts, tant tous les candidats sont conscients que la seule feuille de route, si bien libellée et chiffrée soit-elle, pourrait ne pas suffire.
Rarement élection à la tête de la Fsf (et subsidiairement au siège de président des Ligues pro et amateur voire des Ligues régionales) a autant polarisé les énergies et autant suscité de passion. À se demander ce qui fait courir tous ces candidats. Encore que d’autres pourraient se signaler avant le 12 juillet, date de publication des noms définitivement retenus pour le fauteuil de patron du foot national. Ce qui est censé être un sacerdoce serait-il donc devenu une sinécure ? Ce n’est point manquer de respect à tous ces braves postulants que de se poser la question.