En remportant l’élection de la mairie de New York, le 4 novembre dernier, Zohran Mamdani a signé une victoire politique et culturelle. Fils d’immigrés ougandais, celui qui est désormais le 111e maire de la « Grosse Pomme » a bouleversé les codes socio-politiques de la capitale économique américaine souvent verrouillée par les élites et les gros budgets. Immigré et musulman, celui qui se réclame ouvertement de la social-démocratie et qualifié par ses contempteurs de communiste, appartient à la minorité indienne. Là où ses adversaires misaient sur les médias traditionnels et les financements massifs, Mamdani a choisi la proximité, l’humour et les réseaux sociaux pour conquérir cette ville de 8,5 millions d’habitants où la concentration au kilomètre carré d’ultras riches est parmi les plus importantes au monde et où les classes moyennes ont de moins en moins de place.
Sur Tik Tok, Instagram ou X, Mamdani s’est montré tel qu’en lui-même : en métro, avec les minorités, dans les lieux de culte, sur les terrains de sports ou dans les rues, parlant loyers, transports ou climat dans un langage simple et direct. Ses vidéos décalées sont devenues virales, transformant un candidat marginal en phénomène populaire. Cette démarche, spontanée, a séduit une génération d’électeurs connectés et lassés des discours formatés.
Mais Mamdani n’a pas misé que sur le numérique. Sa campagne s’est appuyée sur des bénévoles issus des quartiers. Il mène des actions multilingues et une communication inclusive. Il a ainsi réussi à relier la rue et les réseaux, le militantisme et la modernité. Il incarne une politique sincère, participative et joyeuse. Il a d’ailleurs été félicité par Barack Obama. Séduit par sa méthode, l’ancien Président américain a téléphoné le candidat avec qui il a parlé pendant une demi-heure.
En 2008, Obama a révolutionné la communication politique en faisant des réseaux sociaux l’arme centrale de sa campagne présidentielle. Son équipe a su transformer Internet en un outil de mobilisation, de financement et de persuasion sans précédent. Facebook, Twitter et YouTube lui ont permis de créer une relation directe avec ses électeurs, contournant les médias traditionnels. En diffusant des messages positifs, participatifs et personnalisés, Obama a réussi à incarner le changement et à fédérer une génération connectée. Sa plateforme « MyBO » (My.BarackObama.com) a mobilisé des millions de volontaires et récolté des fonds records grâce à de petites contributions en ligne. Chaque internaute devenait un relais de campagne, partageant vidéos, appels aux dons et messages d’espoir. L’usage des données et du ciblage numériques a aussi permis d’adapter les discours aux préoccupations locales. En combinant stratégie digitale et proximité humaine, Obama a inauguré une nouvelle ère politique où les réseaux sociaux deviennent le cœur battant de la démocratie participative. En Europe, Volodymyr Zelensky a utilisé les médias pour transformer sa notoriété d’acteur en capital politique jusqu’à occuper le fauteuil présidentiel. Star de la série « Serviteur du peuple », où il incarnait un président honnête, il a brouillé la frontière entre fiction et réalité. En misant sur la télévision, les réseaux sociaux et une communication directe, il a réussi à contourner les médias traditionnels jugés corrompus. Son ton simple, humoristique et antisystème a séduit un électorat lassé des élites.
En Afrique, le malgache Andry Rajoelina a exploité les médias pour bâtir son ascension politique. Ancien animateur et patron de la chaîne Viva TV, l’ancien Président de la grande île a utilisé cet outil pour mobiliser la jeunesse urbaine. Ainsi, en contrôlant l’image et le récit médiatique, il a réussi à imposer sa légitimité face au pouvoir en place. Son usage stratégique des médias audiovisuels a transformé sa popularité de communicateur en force politique, ouvrant la voie à sa prise de pouvoir en 2009.
Au Sénégal, l’actuel parti au pouvoir a profité de nouveaux médias pour accéder au pouvoir. Le Pastef a fait des réseaux sociaux son principal levier de conquête du pouvoir au Sénégal. Face à des médias traditionnels jugés partisans, cette formation politique a investi massivement sur les réseaux sociaux Facebook, X et TikTok pour diffuser ses messages, mobiliser la jeunesse et contrer la censure. Grâce à une communication participative et virale, mêlant Lives, vidéos explicatives et hashtags fédérateurs, elle a imposé son récit d’alternative patriotique et citoyenne, transformant le numérique en arme politique décisive.
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