Les responsables du génocide en cours à Gaza envisagent-ils un seul instant que les attentats terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 justifient aux yeux du monde leurs actes ? Depuis que la famine gagne les ruines de l’enclave palestinienne et que les images d’enfants décharnés à l’article de la mort tournent en boucle malgré le blocus contre l’information exercée par Tsahal, apparaît l’évidence que la justice internationale est interpellée.
Comme trop souvent avec les conflits contemporains. Le procureur de la Cour pénale internationale (Cpi) n’a pas attendu la vague d’indignation planétaire contre la nouvelle doctrine sioniste (dépeupler la Bande de Gaza par les balles ou l’exil) pour assumer ses responsabilités. Mais Karim Khan, le procureur d’origine britannique, a dans son viseur des leaders politiques forts de leur impunité car soutenus par les États-Unis d’Amérique. Au premier rang, l’actuel Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Selon toute vraisemblance, il ne fallait pas.
Le Wall Street journal ayant relayé des accusations de viol le concernant, depuis le 16 mai dernier, Karim Khan a été contraint de quitter ses fonctions mettant ainsi la procédure en veilleuse ; depuis lors, ce sont ses deux adjoints, dont le Sénégalais Mame Mandiaye Niang, qui sont aux manettes dans le dossier « Palestine… ». La Cour pénale internationale traverse l’une des plus fortes tempêtes de son histoire depuis 2002. Sous pressions intenses, notamment de Washington, l’institution basée à La Haye fait face à des sanctions visant quatre juges et son procureur.
Les États-Unis s’opposent aux mandats d’arrêt émis le 21 novembre 2024 contre Benyamin Nétanyahou et l’ex-ministre Yoav Gallant, tout en réclamant la clôture de l’enquête sur les crimes commis en territoire palestinien. Ce dossier, référencé ICC-01/18, englobe les crimes imputés aux forces israéliennes à Gaza et en Cisjordanie, ainsi que ceux du 7 octobre 2023 attribués au Hamas, incluant des prises d’otages. Considéré comme le plus sensible jamais ouvert par la Cpi, il place l’institution de La Haye au cœur d’un bras de fer diplomatique inédit. Il faut rappeler que ni les Usa, encore moins Israël ne sont signataires du Statut de Rome, l’acte constitutif de la Cpi en 2002…
En février 2025, les États-Unis sanctionnent Karim Khan, un geste salué par Benyamin Nétanyahou qui qualifie la Cour de juridiction « antisémite et corrompue ». En juin, quatre autres juges subissent le même sort. Malgré ces pressions, le procureur persiste et prépare deux nouvelles inculpations visant Itamar Ben Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich, ministre des Finances, tous deux théoriciens assumés du nettoyage ethnique, et nouvelles figures de la droite messianique sioniste. On le savait depuis les guerres unilatérales déclenchées à la faveur de la lutte contre le terrorisme, mais c’est avec un cynisme froid que l’évidence nous est jetée à la figure : la justice internationale est féroce contre les Africains mais impuissante contre les génocidaires occidentaux.
Les enquêtes en cours actuellement concernent l’ancien leader philippin Rodrigo Duterte, l’Afghanistan, le Venezuela et la Palestine. Des condamnés en train de purger leur peine ? Sans surprise, ce sont de pauvres bougres, anciens chefs de guerre africains : Thomas Lubanga Dyilo, Bosco Ntaganda et Germain Katanga, tous de la Rdc ; et aussi Dominic Ongwen, le sinistre chef du Lra en Ouganda. Parmi les anciens accusés par la Cpi, Laurent Gagbo et Charles Blé-Goudé ont été acquittés en 2021 ; idem pour Jean-Pierre Bemba acquitté en appel en 2018 après une condamnation deux ans plus tôt ; les Kényans William Ruto et Uhuru Kenyatta ont vu leurs procédures abandonnées faute de preuves.
Certes, les auteurs de massacres durant la guerre des Balkans sont toujours derrière les barreaux, mais ils constituent l’arbre qui cache la forêt d’impunité… Avec le génocide en cours à Gaza, que diront les générations futures de nous, contemporains de cette négation de l’Homme ? Les dirigeants sionistes seraient donc si bien élus qu’ils sont absous de tout péché ? La justice pénale internationale se veut l’incarnation universelle du droit, un rempart dressé contre les crimes les plus odieux. Pourtant, l’ombre de l’inégalité plane sur ses décisions. Quel pays ose aujourd’hui appliquer le mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine ?
Samboudian KAMARA