La nouvelle génération de féministes sénégalaises surfe-t-elle sur la bonne vague en épousant les valeurs du féminisme radical, qui semble se rapprocher du féminisme matériel ou amazone ? La réponse coule de source même s’il faut s’attendre à ce que leur démarche crée des frictions dans notre pays. Elles ont une approche différente des figures influentes connues du féminisme jusque-là dans notre pays. Celles-ci ont mis en avant un féminisme modéré consistant à tenir compte des réalités socioculturelles pour dérouler des stratégies. Leur plaidoyer a porté des fruits au fil des ans.
En dépit de l’existence de différentes branches du féminisme, la première génération a réussi à faire adhérer, dans notre pays, des masses à leur cause pour avoir su agir avec tact et intelligence. Elles en ont récolté des vertes et pas mûres, mais elles ont fini par convaincre, rappelant que le bien-fondé de leur combat repose sur un souci de garantir le bien être de la femme, et au-delà de celle de la famille sénégalaise. Incomprises au début, elles ont, pour la plupart, pu fournir des clés de compréhension utiles pour une appropriation de leur combat. Elles n’ont pas également cherché à se mettre en première ligne pour des avantages personnels ou des prébendes. Guidées par de fortes convictions, ces féministes ont su changer la dynamique sur laquelle voguait une société ancrée dans des valeurs patriarcales. L’essentiel pour elles est de faire en sorte que le pays puisse s’inscrire dans une dynamique de développement durable en s’appuyant sur toutes les composantes de la société. Elles se sont battues pour une meilleure implication de la gent féminine. Grâce à des actions soutenues et coordonnées, des évolutions notables ont été notées dans ce sens.
Les conditions de vie de la Sénégalaise se sont beaucoup améliorées. Le combat de la première vague de féministes, dans notre pays, peut être considéré comme un écho fidèle de la voix des femmes. La société, dubitative, a fini par mesurer leurs efforts et leurs sacrifices pour instaurer dans la société des rapports de genre égalitaire pour un développement humain durable. Dans une démarche synergique, elles continuent, par exemple, à traquer toutes les dispositions discriminatoires contenues dans le code de la famille. Aujourd’hui, la société sénégalaise commence à rendre un hommage mérité à ces figures inspirantes. Au même moment, elle semble réticente face à l’émergence d’une nouvelle génération de féministes qui soulignent se conformer à un esprit de renouveau. Leurs intentions semblent floues aux yeux d’une frange importante de la société. Le modus opérandi dérange. Elles n’hésitent pas à heurter la conscience collective et à créer des tourbillons de vie pour écrire les lignes de leur histoire.
Les promotrices du concept « marcher nue » sont classées, dans l’imagerie populaire, dans cette catégorie. Les Sénégalais gardent en mémoire la marche prévue le 31 décembre dernier, par le collectif des féministes qui avait choisi comme dress code la nudité pour dire haro aux violences exercées sur les femmes. Pour les adeptes de ce courant, le nudisme des femmes constitue une « arme puissante » pour amplifier la voix féminine, ériger des digues contre le patriarcat ou la misogynie et faire reculer les hommes. Leurs arguments : « en se réappropriant leur corps, les femmes africaines en font une arme de transformation sociale, rappelant que ce dernier n’est ni une possession des hommes ni un bien de l’État. La nudité comme forme de protestation est un appel à l’action, une dénonciation des violences et une affirmation du droit des femmes à disposer d’elles-mêmes ».
Mais cette façon de s’ériger contre « l’oppression masculine » ne trouve pas un écho favorable chez d’autres féministes et autres gardiennes des valeurs. Elles militent pour la préservation des mœurs. Elles ont compris qu’il sera difficile de calquer les modèles importés dans une société qui tient à imprimer son identité dans un monde globalisé. Si les tenants du féminisme radical ou amazone, pour paraphraser l’universitaire Makhtar Diouf, auteur de l’ouvrage « Eclairage sur le (s) féminisme (s) », « exigent une révolution sexuelle totale qui détruit tous les tabous traditionnels liés à la sexualité », elles risquent de faire face à une contre-offensive féminine. matel.bocoum@lesoleil.sn