Avec ses infrastructures modernes, ses cités flambant neuves et ses grandes routes, le Pôle urbain de Diamniadio est, aujourd’hui, devenu une vitrine nationale. Dix ans après le lancement de cet ambitieux projet, cette première « Ville nouvelle » sénégalaise est sortie de terre. Une grande partie des ministères s’y s’est installée. Habitués à prendre quotidiennement le chemin de Dakar pour se rendre au travail, ils sont désormais des milliers de fonctionnaires de l’Etat sénégalais et des travailleurs du privé à prendre le chemin inverse. Par l’autoroute à péage ou par le Train express régional (Ter), tous les chemins mènent à Diamniadio.
Dans un souci de désengorger la capitale sénégalaise, l’ancien régime avait jeté son dévolu sur cette bande de terre de 1644 hectares, située à une trentaine de kilomètres de Dakar, pour en faire une zone urbaine moderne, ordonnée et durable. Diamniadio est actuellement devenue le lieu de rendez-vous des grandes rencontres internationales, singulièrement à travers le Centre de Conférences Abdou Diouf et ses réceptifs privés. Sur le plan sportif, le Sénégal abrite des matches de football et des tournois internationaux de basketball tenus au stade Abdoulaye Wade et à Dakar Arena. Sans compter la deuxième université de Dakar qui s’y trouve ainsi que divers autres organismes, tels que le Siège des Nations unies, etc. Seulement, il faut rappeler qu’à côté de la nouvelle ville, la commune de Diamniadio ne semble pas avoir pris son envol. Elle fait encore face à bien des manquements dans les domaines essentiels comme la santé, l’éducation, la mobilité, etc. Nous étions stupéfaits de constater, au cours d’un reportage dans un des villages jouxtant le Pôle, que les enfants continuent d’étudier dans des abris provisoires. Sans compter les sureffectifs avec lesquels les enseignants sur place font face. Dans d’autres villages, comme Ndoukhoura Peul, l’eau courante est encore un luxe. Pour en disposer, les femmes sont obligées de faire de grandes distances.
Pourtant, l’érection de la nouvelle cité avait suscité un grand espoir dans les communes environnantes du Pôle urbain, à savoir Sébikotane, Yène, Bargny, Rufisque Est et Diamniadio. La collaboration mutuellement bénéfique attendue entre les élus locaux et la Délégation générale à la Promotion des Pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (Dgpu) n’a pas été au rendez-vous. Pour certaines communautés, le rêve est devenu un cauchemar. Nombreux sont les agriculteurs qui ont été dépossédés de leurs terres pour cause d’utilité publique. Des éleveurs qui avaient l’habitude de sillonner ces terres jour et nuit ont été privés de leurs zones de pâturage. Les femmes maraîchères du village de Déni Malick Guèye sont privées de leur gagne-pain. C’est un euphémisme de dire que le Pôle urbain a contribué à l’appauvrissement de ces communautés. Celles-ci sont, aujourd’hui, misérables.
D’ailleurs, c’est le propre de plusieurs projets de création de villes modernes en Afrique : Konza Technopolis au Kenya, Sème City au Bénin, Kilamba en Angola ou encore Vision City au Rwanda. Il est vrai que bien des capitales africaines sont confrontées à une surpopulation et les « Smart Cities » sont trouvées comme solutions. Mais, il est clair que ce sont souvent les populations locales qui sont sacrifiées.
Aujourd’hui encore, un autre projet de ville est en gestation dans le Pôle urbain du Lac Rose. C’est celui de construction d’une Ville verte du groupe égyptien Casa Orascom. Il est prévu d’ériger, non loin du lac, 18 000 logements modernes, soit un investissement de près de 700 milliards de FCfa. Malgré les alertes et autres mises en garde des populations locales, le projet suit son chemin. À quel prix ?
maguette.ndong@lesoleil.sn


