Il y a des plans qu’on déroule comme des catalogues de promesses. Et d’autres qui s’offrent comme des engagements de dignité. Celui que le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté ce vendredi appartient sans conteste à la seconde catégorie. Non pas parce qu’il est spectaculaire dans ses chiffres – même si 5677 milliards de francs CFA, soit l’équivalent du budget annuel du pays, cela force le respect – mais parce qu’il incarne une ambition rare : celle de redresser un pays sans trahir son âme.
Dans un contexte hérité d’endettement masqué, de pactes douteux et de renoncements habillés de réformes, oser un plan sans la béquille d’un nouveau prêt du FMI, sans la vente à perte de nos ressources foncières et minières, c’est déjà en soi une révolution. C’est refuser la paresse du renoncement. C’est dire au monde : nous avons nos faiblesses, mais aussi notre fierté. Nous n’avons pas l’intention de nous vendre pour nous redresser.
Ce Plan de redressement économique et social, dans sa logique comme dans ses détails, porte une signature nouvelle. Il ne cherche pas à tout réinventer. Il ne rejette pas d’un revers de main ce qui a été fait. Mais il affirme une orientation : celle de l’endogène, de l’audace maîtrisée, de la réforme utile. Là où tant d’États africains, étouffés par leur dette, attendent encore une planche de salut extérieure, le Sénégal choisit de regarder d’abord en lui-même. 90 % des ressources attendues viendront de l’intérieur, sans recours à l’endettement supplémentaire. Voilà une posture rare, presque hérétique à l’heure où le mot « ajustement » plane comme un couperet au-dessus de tant de nations.
Les leviers sont multiples et précis. Il s’agit d’optimiser l’existant, de taxer les rentes plutôt que l’investissement, de réorienter la machine administrative vers l’essentiel. Oui, le plan coûte 33 % plus cher que celui prévu dans le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle (DOBEP) 2026-2028. Mais il ne coûte pas plus cher au peuple. Car l’effort demandé ne repose ni sur de nouveaux impôts populaires ni sur l’érosion du filet social. Il mise, au contraire, sur une récupération énergique des recettes perdues : taxation du tabac et des paris en ligne, encadrement des importations de véhicules, valorisation des actifs fonciers de l’État, meilleure fiscalisation des secteurs jusque-là échappant au fisc.
Le choix d’impliquer les banques publiques, de ne pas surcharger les investisseurs, de lutter fermement contre la fraude, dit assez la volonté de poser les jalons d’un modèle nouveau : un modèle où l’État ne se contente plus de tendre la main, mais serre les poings pour défendre l’intérêt général.
On ne redresse pas un pays avec de seuls chiffres. Il faut aussi des principes. Et c’est là que le plan prend toute sa profondeur. Il ne s’agit pas seulement de « faire rentrer de l’argent ». Il s’agit de rétablir une chaîne de confiance entre l’État et ses citoyens. Un État qui paiera enfin sa dette au secteur privé, qui facilitera l’accès à la propriété, qui améliorera l’électricité, les intrants agricoles, l’accès au foncier – ce n’est plus un État absent, c’est un État juste.
On pourrait s’attarder sur chacun des 37 leviers évoqués. Sur cette volonté de réduire la taille de l’administration sans toucher aux services essentiels. Sur ces projections sous-estimées (volontairement) autour du gaz, des visas, de la Société nationale de gestion et d’exploitation du patrimoine bâti (Sogepa). Sur la stratégie de recyclage des actifs avec les partenaires extérieurs tout en conservant leur propriété – subtil pied de nez aux bailleurs qui confondent partenariat et prédation. Mais l’essentiel est ailleurs.
L’essentiel, c’est cette promesse implicite : « nous ne serons pas les serviteurs d’un pouvoir illimité, mais les intendants d’un peuple en attente ». Le Premier ministre l’a dit sans emphase, mais avec une clarté désarmante. Et le président l’a confirmé plus tard : la vérité ne sera pas sacrifiée à l’apparence. Gouverner ne sera plus mentir.
Alors oui, il y a de quoi soutenir ce plan. Non pas par foi aveugle. Mais par cohérence démocratique. Parce qu’un gouvernement qui refuse le mensonge, qui dévoile les chiffres et qui ose poser des réformes courageuses sans demander au peuple de se serrer encore la ceinture, mérite d’être accompagné. Il n’y aura pas de miracle. Mais il y a, dans ce plan, les ingrédients d’un réveil économique digne et lucide, d’un espoir qui ne serait pas qu’un slogan électoral.
Le chantier est immense. Les résistances seront nombreuses. Les intérêts menacés se mobiliseront. Mais un pays qui fait le pari de lui-même ne doit pas être seul. Ce Plan mérite mieux que les sarcasmes technocratiques ou les petits procès politiciens. Il mérite un regard exigeant, mais solidaire. Un regard qui comprend qu’en matière de redressement, la sincérité est déjà un investissement. Oui, redresser sans l’indispensable main du FMI, sans hypothéquer nos terres ni nos ressources, sans matraquer les citoyens ordinaires, c’est possible. Ce plan en est la preuve. À condition, bien sûr, qu’il soit mis en œuvre avec la même rigueur qu’il a été conçu.
En attendant, saluons ce moment. Il est rare qu’un gouvernement propose un chemin sans fuir sa vérité. Rare qu’un Premier ministre parle le langage du courage. Rare qu’un peuple se voie offrir, non des illusions, mais un effort partagé, lucide, ambitieux. Ce Sénégal qui se redresse sans plier, qui ose la vérité comme cap, est à soutenir avec le cœur et l’esprit. Que la justice, la paix et la démocratie soient, plus que jamais, ses boussoles.
Lamine NIANG
Directeur général Le Soleil