Ces derniers temps, l’affaire dite Kocc a tenu en haleine tout le pays. L’homme qui serait derrière Kocc Barma, El Hadj Babacar Dioum, un fils a papa, a été mis au gnouf le 22 juillet dernier. Il a fallu plusieurs années aux enquêteurs de la Division spéciale de la cybersécurité (Dsc), très pointilleux du reste, pour mettre la main sur celui qui serait le cerveau de cette affaire aux ramifications insoupçonnées et aux conséquences dévastatrices. Effrayant ! On nous parle de plus que 5.000 victimes et les faits reprochés au mis en cause et à ses complices ont pour noms : association de malfaiteurs, stockage et diffusion de données à caractère personnel, diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et à caractère pédopornographique, atteinte à la vie privée, extorsion de fonds, menaces et chantage… La liste est loin d’être exhaustive. Selon la loi sénégalaise, la peine encourue pour certains de ces faits peut aller jusqu’à 20 ans de prison et 15 millions de FCfa d’amende. Inéluctablement, cette affaire a entraîné deux faits néfastes à la stabilité de notre société : une cassure de relations maritale et/ou familiale et des flux on ne peut plus licites d’argents dont les seuls gagnants sont le malfrat et ses acolytes. Au détriment de l’ensemble ; de la cohésion sociale !
La démocratisation des nouveaux médias n’est pas sans conséquence. Tout au contraire. « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. » Cette citation célèbre du philosophe et sémioticien italien Umberto Eco illustre bien la transformation apportée par les réseaux sociaux. En mal ! Évidemment, elle se passe de commentaire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les réseaux sociaux favorisent incontestablement l’obscurantisme. C’est très dangereux, pour la stabilité sociale, lorsqu’un non-sachant ou bien un malintentionné dispose d’une large tribune tout acquise à lui. À dose homéopathique, ils peuvent distiller de la désinformation qui sera prise pour parole d’évangile.
Justement à propos d’évangile, rappelons que le Pape Léon XIV a convoqué cette semaine un conclave assez particulier pour passer inaperçu. Il a rencontré cette semaine, à la cité vaticane, un millier d’influenceurs catholiques triés sur le volet. Certains de ces apôtres 2.0 disposent d’une audience plus importante que celle d’un archevêque. Mais, ils n’ont pas la science infuse comme ces hommes de Dieu. Leur prosélytisme nouveau requiert un minimum et des exigences. C’est certainement ce qu’a compris le Pape en les convoquant et en faisant une messe, pour eux, à la basilique Saint Pierre. Ce jubilé est certes une consécration du rôle de ces héritiers de Pierre, sur le continent numérique où il faut grappiller encore des adeptes, mais c’est aussi et surtout pour le souverain pontife de réguler une pratique. Savoir que c’est le message de l’église catholique qu’ils propagent et non leurs propres notoriétés. Pour ce faire, estime le patron du Vatican, ils doivent être des vecteurs de communion et non de division et de polarisation.
En Côte d’Ivoire, pays qui revendique la plus grande basilique au monde, Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, un conflit sanglant a fait des milliers de morts et déstructuré l’économie. Une guerre qui a laissé des cicatrices sociales même si économiquement, le pays s’est relevé. Abidjan semble apprendre de cette expérience malheureuse. Car, comme on dit, « Chat échaudé craint l’eau froide ». En effet, l’image du chat qui craint l’eau froide après s’être brûlé avec de l’eau chaude est une métaphore de la réaction humaine, la prudence, face à une expérience négative. Forts de cette parenthèse triste, qui n’est aucunement liée à Internet, les pouvoirs publics ivoiriens ont pris les devants face aux nouveaux médias. Ils déroulent une campagne médiatique autour du slogan « En ligne tous responsables ».
aly.diouf@lesoleil.sn