Nos grand-places, nos moyens de transport en commun, nos lieux de rencontre ou de travail reflètent nos comportements et nos identités. C’est notre pays en miniature. On y discute de tout et de rien. On y apprend les vertus et les tares de notre société. Commerçant et chauffeur de clando à ses heures perdues, notre interlocuteur a toujours rêvé d’aller en France. « J’ai toujours rêvé de me promener dans les rues de Paris », nous dit-il au cours d’un trajet. Même étant le bras technique d’une grande société de la place, ce rêve ne l’a jamais quitté. C’est pourquoi il a déployé toute l’énergie et les moyens à ses dispositions pour tenter l’émigration. Ses deux tentatives se sont soldées par un échec cuisant. Il nous raconte ainsi sa mésaventure. Piqué par une folle envie de partir, il a embarqué dans une pirogue en 2008 pour se rendre en Espagne. Mais mal lui en a pris ; leur embarcation a échoué sur les côtes espagnoles. Il faisait partie des survivants. Plus tard, lui et ses compagnons d’infortune ont été rapatriés au pays. Cette mésaventure n’a guère réfréné son ardeur et son envie de fouler le sol européen et particulièrement français. Loin de se décourager, il a, à nouveau, tenté un coup qui n’a pas abouti. Il a pris une embarcation de fortune à la recherche de l’eldorado en Europe au prix de sa vie. Vainement. C’est en frôlant la mort qu’il s’est rendu compte du danger que représente le fait de vouloir tenter l’aventure en eaux troubles. Il s’est alors résigné à rester dans son pays et à explorer d’autres opportunités. Aujourd’hui, son business marche. Il s’est réalisé dans son propre pays.
L’exemple de notre interlocuteur, il y en a à foison dans notre pays. In fine, il s’agit de croire en soi pour réaliser ses rêves, même les plus fous. Dans un entretien accordé au Soleil, le directeur général de l’Agence française de développement (Afd), Rémy Rioux, rappelait qu’un jeune sur trois dans le monde sera africain dans 25 ans. « Les chaînes de valeurs vont bientôt se reconfigurer. Tandis que d’autres régions du monde vieillissent, l’énergie, la créativité, la force se trouvent de plus en plus en Afrique. Peut-être que tout le monde ne l’a pas encore compris pleinement. Mais nous, à l’Afd, nous le sentons très fort et nous investissons dans l’avenir du continent. Et quand nous venons au Sénégal, nous sommes encore plus convaincus », expliquait-il. C’est dire que l’Afrique regorge d’opportunités d’investissement. C’est le continent d’avenir. Ce qui justifie d’ailleurs la ruée des partenaires occidentaux et asiatiques vers l’Afrique. Parfois, il vaut mieux rester chez soi sans travail que d’aller s’aventurer là où la sécurité n’est pas garantie. Certains passent la nuit à la belle étoile et ont du mal à trouver de quoi se nourrir. Récemment, l’administration Trump a menacé d’élargir drastiquement ses restrictions de voyage. Les ressortissants de trente-six nouveaux pays, dont vingt-cinq en Afrique, parmi lesquels le Sénégal, sont dans le collimateur. Si le président des États-Unis met à exécution sa menace de rapatrier des émigrés qui sont dans une situation irrégulière, celle-ci doit être perçue comme une opportunité. Il ne doit pas y avoir place pour une quelconque inquiétude ou angoisse. D’ailleurs, le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, a donné le ton en mettant fin au feuilleton du stage de préparation de l’Équipe nationale féminine de basket aux États-Unis. Après le refus de l’ambassade américaine de délivrer le visa à une partie de la délégation, le chef du gouvernement a tout simplement ordonné l’annulation du stage au pays de l’Oncle Sam. Il a tenu à exprimer sa profonde gratitude à la République populaire de Chine, « qui a accordé plusieurs dizaines de bourses de préparation à nos athlètes ainsi qu’à leurs encadreurs, dans la perspective des Jeux olympiques de la Jeunesse Dakar 2026 ». Dans la foulée, il a réaffirmé la nouvelle doctrine de coopération : « une coopération libre, équilibrée, fondée sur le respect mutuel et le bénéfice partagé ».
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