La nuit du 21 juin : redoutée par les scientifiques, attendue par les rêveurs… et cette fois, elle a tenu toutes ses promesses. Une faille temporelle s’est ouverte, comme dans un mauvais épisode de science-fiction… sauf que c’est arrivé pour de vrai.
Un Bug quantique au résultat époustouflant. Au petit matin du solstice d’été, ce moment mystique censé marquer un renouveau, certaines grandes figures historiques sénégalaises ont fait un retour vers le futur façon grand écart spatio-temporel… et se baladent parmi nous depuis près d’une semaine, l’air de rien. Après avoir sérieusement douté de la réalité de sa présence, fidèle à sa rigueur scientifique, Cheikh Anta Diop finit par admettre les faits : oui, il est bien de retour. Les décennies passées sous terre n’ont pas altéré sa rationalité.
Toujours curieux de savoir et de connaissance, sa découverte d’Internet lui ouvre de nouvelles perspectives avec ses plateformes numériques. Séduit par le format des lives YouTube, il se réincarne en lui-même pour vulgariser ses travaux et réfuter en direct les fake news sur l’histoire africaine. Grand défenseur d’un enseignement affranchi des carcans eurocentrés, ses lives deviennent des plaidoyers vibrants pour une éducation fondée sur les civilisations africaines. Son compte Twitter – pardon, X – adopte les hashtags #UnitéAfricaine et #HistoireRéhabilitée. Sur ses comptes numériques, le Pharaon du savoir milite pour la création d’une plateforme éducative panafricaine gratuite. Mais invité à l’émission Jakkarlo sur la Tfm, il perd patience dans le vacarme des échanges : « Même la voix du premier venu peut désormais contester la parole d’un sachant ! », s’indigne-t-il. Et de souffler, consterné : « Quelle époque… Vous avez les moyens de tout savoir avec Internet, mais vous préférez le divertissement. » Avant de réclamer, non sans ironie, son retour au repos éternel.
Une demande observée avec un « Khay, ki lou ko dall » (mais qu’est-ce qu’il lui arrive ?) d’un Lat Dior Diop, Damel du Cayor, soif de revanche sur le colon qui l’avait fait tomber, en 1886, sous ses balles, à Dékheulé. Cette renaissance est, pour le fils de Ngoné Latyr, une aubaine. Surpris d’abord, il s’adapte vite à ses nouvelles armes numériques. Son outil de prédilection ? TikTok, pour sa puissance de mobilisation. Très vite, un nouveau slogan s’impose : « Malaw guissoul rail bi » devient « Ndaw you bagn gathié », en tête d’un vaste mouvement de résistance 2.0. Influenceur dépouillé de futilité malgré ses 5 millions d’abonnés, Lat Dior fédère les luttes contre les oppressions modernes. Ses vidéos dénoncent l’endettement excessif, le bradage des ressources naturelles. « Vous avez troqué l’or et les armes contre la data…
Le pire des choix. », soupire-t-il, accablé. Le dimanche 22 juin 2025, lendemain de solstice, marque une véritable renaissance pour Kocc Barma Fall. Le penseur a vu ses célèbres touffes se réincarner en dreadlocks. Ce qui lui donne des airs de baba cool stressé. Hier adepte de l’oralité, aujourd’hui il tapote plus qu’il ne parlotte en devenant maître des tweets cryptiques et profonds. Très suivi, Kocc Barma lance un blog sur la philosophie, la gouvernance et les dérives du pouvoir. En bannière d’accueil : « Le fou rit devant le roi, car il voit ce que le roi ignore. ». Mieux que certains activistes aux discours formatés par l’enfoncement de portes ouvertes, Kocc fustige avec finesse la société de consommation, l’addiction aux écrans, la vacuité des débats en ligne. Ses podcasts sont prisés des esprits aiguisés, avides de précision, comme un barbier dessine avec finesse les contours d’une touffe.
Pour lui, Internet aurait pu être une arme de libération : « Pourquoi en avoir fait un miroir de vanité ? », s’interroge-t-il, désabusé. Dans le film français Les Rois mages (sorti en 2001), trois rois venus d’Orient découvrent l’époque contemporaine. Ici, Cheikh Anta, Lat Dior et Kocc Barma deviennent des rois images, détenteurs de paroles utiles, mais dérangeantes. Près d’une semaine après le solstice d’été, ils sont privés de paroles en étant « shadowbanned », leurs discours étant jugés trop subversifs pour les algorithmes. À peine le temps de m’en offusquer qu’un bruit strident, celui d’un réveil, me tire des bras de Morphée. Et si tout cela n’était pas simplement un rêve, mais un songe rendu réel par une faille temporelle numérique, plus vraie que nature ? Les rois images sont parmi nous. moussa.diop@lesoleil.sn