«Science foot, science tout court », avions-nous titré, dans ces colonnes, un article écrit après l’historique victoire du Sénégal sur la France en match d’ouverture de la Coupe du monde en 2002, au Japon et en Corée du Sud.
L’idée maitresse du papier était de mettre en exergue la dimension de cette performance des « Lions » pour leur première participation en phase finale de Coupe du monde. Mais, surtout, de montrer que la liesse, l’ivresse et l’extase, qui s’étaient emparées du continent africain dans son ensemble à l’époque, résultaient quelque part d’un complexe d’infériorité à l’endroit de cette France colonisatrice, championne du monde en titre de surcroît et forte des trois meilleurs buteurs des trois championnats majeurs européens. Le paradoxe était pour les masses africaines que cette France, vue comme un exemple non pas par sa science footballistique, incarnait aussi l’aboutissement humain par l’appropriation et le fait d’avoir apprivoiser l’outil scientifique qui finit par révéler le génie créateur.
Il fallait certes fêter, célébrer cette victoire même si la réalité d’un match de foot se révèle toujours sur le terrain où s’affrontent 22 acteurs qui n’ont d’armes que leur maitrise du football, un jeu qui met l’intelligence et la lecture du jeu en mouvement. Du Caire au Cap, d’Addis-Abeba à Hararé, les Africains étaient heureux d’avoir « bouffé du coq ». Le président Wade, tout fraichement élu à la faveur de la première alternance politique de 2000, ne s’était pas privé et paradait debout dans sa décapotable avec le drapeau national dans les rues du centre-ville dakarois. Et le parcours de la bande à El Hadji Diouf, Fadiga et autres fut glorieux. Il nous vaudra une place en quarts de finale pour une première participation. Depuis lors, nous avons pu avoir une autre participation au Mondial de 2022, au Qatar, mais nous avons été stoppés net par les Anglais qui ont eu le génie de créer le foot. Aussi, nous avons eu à nous défaire des Brésiliens sur le score de 4 buts à 2 en 2023 en amical. Les Africains n’ont pas été en reste et le Maroc a poussé plus loin l’œuvre avec une place en demi-finale en 2022.
Les « Lions » ont encore écrit une nouvelle page d’histoire avec la première défaite des « Three Lions » contre un onze africain le 10 juin dernier. Ce qui a inspiré des titres pompeux, dithyrambiques, élogieux pour une équipe remaniée et encore jeune. Avec un nouveau coach qui a récemment pris le relais de Alioune Cissé qui a remporté la première médaille continentale en février 2022. Et sans leur maître à jouer Sadio Mané, parti en pèlerinage à La Mecque. « Good » même pouvait-on lire dans la manchette d’un journal. « Very good », serait-on tenté d’ajouter tant la victoire a été limpide et juste. À Nottingham, cette ville anglaise au passé glorieux, les « Lions » ont pu poser leur jeu, construire, s’armer de patience pour revenir au score. Et marquer deux fois pour asseoir leur domination. Sans complexe. Ni de supériorité ni d’infériorité. Simplement jouer leur jeu avec une identité propre.
Comme en pratiquent certains sur les pelouses anglaises tous les week-ends puisqu’au moins 7 joueurs jouent ou ont joué en Premier League, l’appellation du championnat anglais. Ainsi, la réalité du foot s’est encore fait jour avec un duel des 22 joueurs qui se livrent à un duel sans merci. Au finish, le score est sans appel (3-1) malgré les récriminations de l’attaquant et buteur anglais, Harry Kane, le plus sénégalais d’ailleurs des Anglais par son patronyme. Le plus grand championnat de foot au monde, selon les puristes, souffrirait d’un trop-plein d’étrangers même si ces derniers en sont les principaux animateurs ; encore que le pays secrète régulièrement de nombreux champions et en exporte. Il n’est pas étonnant d’ailleurs que les Anglais n’aient remporté la Coupe du monde de foot qu’une fois, en 1966… Le fait pour nous est que le raisonnement de 2002 reste valable aujourd’hui pour exhorter à la maitrise de la science, de l’art et de la technologie.
Des disciplines qui font unanimité quant à l’utilisation de l’intelligence, plus grand attribut humain. Si nous voulons nous comparer aux autres, nous devrons également rivaliser dans les domaines qui les prédestinent à dominer le monde. Le match amical a été une occasion pour l’ambassade du Royaume-Uni de dérouler un certain nombre d’activités comme l’ouverture d’une Chambre de commerce, d’une École. Ou encore le don de deux drones à notre Marine nationale. Vive la coopération et célébrons l’amitié entre les deux peuples. Rêvons non pas d’offrir des drones, mais d’en fabriquer et d’en vendre au monde. ibrahimakhalil.ndiaye@lesoleil.sn