Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ils sont ahurissants ou tout simplement inacceptables en ce 21e siècle. Selon Onu Femmes, en Afrique, « seuls 15 % des terres agricoles sont détenus par les femmes » (Emission « Enquête d’Afrique » de Canal+ sur l’accès au foncier). Au Sénégal, l’étude publiée en juillet 2021 par la Division de l’analyse et de la prévision (Dap) au sein de la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques (Dapsa) du ministère de l’Agriculture, dont le thème est « L’accès au foncier agricole par les jeunes et les femmes au Sénégal. Mise en application avec les données de l’Enquête agricole annuelle du Sénégal », montre que les jeunes (15-34 ans) et les femmes ont « un faible niveau d’accès au foncier avec respectivement 15,1 % et 15,2 % ».
Avec, toutefois, plusieurs disparités. Car, seules les régions du sud (Sédhiou, Ziguinchor, Kolda et Kédougou) sont caractérisées par « une plus forte proportion d’accès des femmes au foncier » avec respectivement « 46,1 % pour Sédhiou, 39,2 % pour Ziguinchor, 26,9 % pour Kédougou et 17 % pour Kolda ». Toujours selon l’étude, la région de Dakar, bien qu’elle soit à majorité urbaine, enregistre une proportion de « 22,9 % des femmes ayant eu un accès à la terre ». Alors que pour l’accès au foncier des jeunes, « les plus fortes proportions sont notées dans les régions de Kaffrine, Matam et Tambacounda ». Les plus faibles niveaux d’accès sont notés dans les régions de Thiès (6,8 %), de Kaolack (6,3 %) et de Fatick (6 %). L’étude réalisée par Alpha Bâ, chercheur à Gestes, un institut de recherches basé à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, révèle que « seuls 4 % de la population féminine a accès à la terre au Sénégal ». Quant au professeur Abdoulaye Dièye, chercheur à l’Initiative prospective agricole et rural (Ipar), il informe qu’entre 1985 et 2005, « seuls 60 hectares ont été attribués aux femmes ». (Source : http://www.sudonline.sn).
Or, les données relatives de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ands) publiées en octobre 2023 montrent que les femmes représentent 49,4 % de la population des 18 millions de Sénégalais. Au-delà du faible niveau d’accès des femmes à la terre, la superficie moyenne qu’elles exploitent reste 2 fois plus faible que celle des hommes. Encore que le peu de terres qu’elles exploitent ne leur appartient pas. 89,1 % sont sans titre de propriété (source Dapsa). Les raisons qui expliquent une telle situation sont diverses et nombreuses. D’abord, c’est le manque d’instruction qui les enfonce davantage dans cette situation d’exclusion et donc de précarité. D’après la Dapsa, « l’analyse du profil des femmes ayant accès au foncier révèle que 86,3 % contre 69,3 % pour celles n’ayant pas accès à la terre n’ont presque pas suivi de formation spécialisée en agriculture ni en élevage.
En effet, seulement 0,9 % des femmes responsables de parcelles ont suivi une formation spécialisée en agriculture et 2,6 % en élevage ». Ensuite, le non-respect de la loi et le manque de volonté politique affirmée des autorités, comme le dénonce le Pr Abdoulaye Dièye. Car, fait-il remarquer, « 95 % des terres appartiennent au Domaine national, les 5 % restants sont partagés entre l’État et des tiers privés. Une redéfinition de la répartition pourrait donc faciliter l’accès des femmes à la terre ». Alors que le chercheur Alpha Bâ met en cause la pauvreté et les pesanteurs sociales « qui veulent que les femmes soient sous la tutelle des hommes ». Qu’à cela ne tienne, la situation ne saurait être maintenue continuellement si le pays veut réellement augmenter le niveau d’autonomisation des femmes. Les pesanteurs sociales étant ce qu’elles sont (difficiles à changer), une véritable campagne de sensibilisation doit être menée auprès des populations. daouda.mane@lesoleil.sn