Nous l’écrivions dans notre édition du Soleil du 1er août 2025, en citant le Pr Mary Teuw Niane : « Il n’y a pas d’autre possibilité de développer un pays que par l’utilisation des connaissances et particulièrement de la science et de la technologie ». Le Sénégal ne saurait se développer sans disposer d’une masse critique dans les sciences et la technologie. C’est pourquoi l’option de mettre l’accent sur les Stem (Sciences, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) est un bon choix.
Car, « un pays qui ne fait pas de la promotion des sciences une priorité ne peut prétendre à la réalité de l’indépendance », soutient, dans une contribution, le Pr Abdou Sène de l’Ugb, ancien directeur de l’Enseignement privé supérieur. Et M. Sène de rappeler ces propos du général Faidherbe qui, dans ses Mémoires publiés en 1889, expliquant les nombreuses victoires d’une armée française relativement réduite en effectif, devant des foules de guerriers africains, disait ceci : « … c’était l’énorme supériorité des armes qui rendait possibles de pareils exploits ; entre nos fusils à tir rapide et à portée considérable et les fusils à pierre dont se servent les Africains, il y a autant de différence qu’entre les mousquets du XVIᵉ siècle et les lances et flèches qu’on leur opposait ».
Pourtant, le Sénégal, très tôt, avait conscience qu’il lui fallait plus de scientifiques. « Le président Senghor, bien qu’étant homme de lettres, l’avait si bien compris que cela transparaît dans la loi d’orientation pour l’éducation au Sénégal de 1971. D’ailleurs, dans une interview accordée à Roland Collin en 1974, Senghor affichait l’objectif de voir, dans les cinq ans, les effectifs des classes de Terminale littéraire réduits à seulement 20 % », note Abdou Sène. Une option réaffirmée lors des Concertations nationales sur l’enseignement supérieur, l’éducation et la formation de 2013 et 2015. Toutefois, dans cette recherche d’une masse critique capable de relever le défi, nous devons mettre le curseur sur la formation des ingénieurs. Car seule l’ingénierie assure la souveraineté technologique, génère des solutions locales adaptées à nos réalités et des opportunités économiques et industrielles.
« Les scientifiques étudient ce qui existe déjà, mais les ingénieurs créent ce qui n’a jamais existé auparavant », disait Albert Einstein. Ce qu’ont compris des pays comme la Russie, les Usa, la Chine, l’Inde, l’Iran, la Corée du Sud qui, grâce à une politique éducative favorisant les sciences et les technologies, sont devenus les plus grands producteurs d’ingénieurs dans le monde. Pendant ce temps, le défi reste énorme pour l’Afrique. En 2015, la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (Acbf), qui tenait une réunion à Harare, avait noté que le continent traînait un gap de 7.441.000 ingénieurs dans tous les secteurs productifs et de développement, comme la recherche agricole, l’hydraulique, l’assainissement, etc. Dans son premier rapport sur l’ingénierie publié en 2010, l’Unesco attirait l’attention des États africains sur la nécessité de former des ingénieurs. Le professeur Étienne Ehouan Ehilé, ancien secrétaire général de l’Association des universités africaines (Aua), en 2019, déclarait que l’Afrique devrait produire plus de 300.000 ingénieurs chaque année jusqu’en 2023 pour combler le déficit des diplômés dans ce secteur. Le Sénégal avait pris une très bonne option avec l’adoption et la promulgation de la loi 2005-004 du 11 janvier 2005 portant création de l’Université polytechnique de Thiès (Upt).
Cette université réunissait les écoles et instituts de formation d’ingénieurs du pays. Objectif ? Former le maximum d’ingénieurs dont on a tant besoin. Elle avait ainsi hérité d’une ossature constituée de grandes écoles telles que l’École polytechnique de Thiès (Ept), l’École nationale supérieure d’agriculture (Ensa) devenue alors Unité de formation et de recherche (Ufr) des Sciences agronomiques et de développement durable (Sadr), l’École nationale des cadres ruraux (Encr) de Bambey, actuel Isfar, et l’Institut des sciences de la Terre (Ist) de Dakar. Malheureusement, le mariage a duré le temps d’une rose avant qu’en 2009, l’Ept ne fût détachée de l’Université de Thiès (Ut) et reprît alors son autonomie. Et le pays forme toujours peu d’ingénieurs. Inverser vite la tendance est un impératif. daouda.mane@lesoleil.sn