On avait fini par penser à un serpent de mer : on l’évoque, on ne le voit jamais. Surtout qu’on parle d’un produit qui devait provenir des abysses océanes. Finalement, il a jailli des entrailles de la mer. Pas au rythme et à la foulée souhaités, mais à pas de tortue, répondant ainsi bien à son nom : Grand Tortue/Ahmeyim.
L’annonce de l’entrée en production de ce gisement gazier a été faite au moment où on s’y attendait le moins, alors que les esprits étaient mobilisés sur les fêtes de fin d’année. Certes, ce fut lent, mais on peut se consoler en se disant que l’essentiel était d’arriver à bon port. Cadeau de fin d’année ou de Nouvel An, c’est selon. Alors qu’on n’avait pas fini de commenter l’ouverture officielle du premier puits de gaz, on nous apprend, trois jours plus tard, l’acheminement des premiers m3 de gaz vers le navire flottant de production, de stockage et de déchargement (Fpso). En moins d’une semaine donc, le projet Gta, après moult retards et renvois aux calendes grecques de son exploitation, connaît une accélération à la vitesse d’une houle. Lors des découvertes en 2015, l’objectif était de commencer l’exploitation en 2022.
La Covid chamboule tout et remet en cause toutes les certitudes. On parle alors de 2023, mais le monde n’était pas encore complètement remis du virus meurtrier. Le coût du projet en prend un sacré coup. Les bons rapports entre, d’un côté, le tandem Sénégal/Mauritanie, plus que jamais unis dans cette aventure commune, et l’opérateur Bp, de l’autre, en subis sent les ressacs. De l’eau est bien dans le gaz. Embarqués dans la même barque, les trois partenaires comprennent que par mauvais temps en mer, il faut tenir le gouvernail ensemble pour ne pas risquer une avarie et engloutir un investissement de 4.800 milliards de FCfa. Finalement, les deux pays et leur partenaire britannique fixent la mise en production au troisième trimestre de 2024, puis au quatrième trimestre. Mais jusqu’en début décembre passé, tout semblait com promis. L’idée d’un énième report pour 2025 est même agitée. C’est alors que le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, s’est rendu à Nouakchott pour rencontrer son homo logue mauritanien et l’opérateur Bp. Depuis lors, il y a eu un enchaînement de bonnes nouvelles à propos de Gta.
Le Sénégal et la Mauritanie entrent enfin dans le cercle des pays producteurs de gaz. L’inédit ne réside pas en ce statut de pays gaziers qu’ils sont devenus, mais du cheminement qui les y a amenés. Comme l’a dit le ministre Birame Soulèye Diop, « c’est une expérience unique dans le monde » de l’exploitation du pétrole et du gaz. Là où la ten dance est d’être jaloux de ses richesses naturelles et de se faire la guerre pour les conserver, les deux pays ont eu la belle et généreuse idée d’aller en tandem dans la gestion de cette ressource dont le gisement enjambe leurs frontières mari times. Un mariage de raison qui vient d’enfanter une expérience inspirante pour le reste du monde. Depuis la découverte de ces réserves dont on dit qu’elles sont de classe mondiale, d’abord côté mauritanien en 2015, puis côté sénégalais en 2016 à Guembeul, le chemin a été long et a été parcouru de manière louable par des ressources humaines sénégalaises et mauritaniennes en parfaite convergence de vues, qui ont travaillé en symbiose et ont toujours négocié à deux avec Bp. Mais le début de l’exploitation n’est qu’un défi de relevé. Il en reste beaucoup d’autres auxquels les deux pays devront désormais faire face, parmi lesquels celui de la gestion optimale des retombées de ces ressources dont leurs populations attendent beaucoup.
