Quand on dit d’une personne qu’elle « dort comme un loir », cela signifie qu’elle dort avec la même intensité, la même tranquillité et la même durée que ce rongeur pendant son hibernation. C’est une image frappante qui évoque un sommeil si profond qu’il est difficile de réveiller la personne en question.
Il y a quelques années, au campus social de l’université Cheikh Anta Diop, les étudiants ne disposant pas de tuteurs (diatigui) à Dakar, restaient presque toute l’année dans cet espace, à défaut de pouvoir retourner au village pendant les fêtes. Considérés comme des « étrangers » chez eux. Au cours de notre parcours universitaire, nous avons cohabité avec un jeune dynamique et serviable. Mais un grand dormeur qu’on surnommait « Togolais ». Au retour d’un week-end dans la banlieue dakaroise, nous avons trouvé notre colocataire dormir profondément. Nous avons tapé fort à la porte, en vain. Le bruit du voisinage, inquiet, n’a nullement perturbé son sommeil. Tout le monde a commencé à s’inquiéter. Finalement, nous avons décidé de défoncer la porte. Le bonhomme n’attendait que ce moment précis pour ouvrir la porte. Il se portait comme un charme. Seulement, il était terrassé par la fatigue et le sommeil. Depuis cette mésaventure, ses voisins et camarades l’appelaient « Togolais ». Et il en était très fier. Il aimait tellement le Togo que la série de manifestations qui se déroulait dans ce pays depuis quelques semaines ne lui échappait pas. À l’image des Sénégalais dont des parents vivent là-bas, il suit les évènements de près car considérant cette contrée comme sa seconde patrie.
Dans ce pays, la situation est devenue tendue. La principale source de tension est liée à la modification de la Constitution adoptée en avril 2025. Cette réforme a instauré un régime parlementaire, supprimant le suffrage universel direct pour l’élection du président de la République et éliminant de fait la limitation des mandats présidentiels. Cette mesure est perçue par l’opposition et la société civile comme une tentative de l’actuel président de se maintenir indéfiniment au pouvoir, alors qu’il est en fonction depuis 2005, année à laquelle il a succédé à son père qui a dirigé le pays pendant 38 ans. Au-delà de cette réforme constitutionnelle, d’autres facteurs contribuent à la colère de la population. Il s’agit notamment du manque d’emplois, de la précarité des infrastructures, de la vie chère, des accusations de mauvaise gouvernance et d’un système politique jugé « verrouillé » depuis des décennies.
L’arrestation de figures critiques du pouvoir comme le rappeur Aamron a exacerbé les tensions et mobilisé la diaspora et les militants de la société civile. L’opposition estime que le processus électoral ne garantit pas une représentation démocratique. Elle a alors boycotté certaines élections. Mieux, elle exige avec la société civile une enquête internationale indépendante sur les violences et demandent le report sine die des élections municipales du 17 juillet 2025. Vainement. Celles-ci se sont déroulées à date et ont été remportées par le parti au pouvoir, Union pour la République (Unir), selon les résultats provisoires communiqués, avant-hier, lundi 21 juillet 2025 par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). La formation présidentielle s’adjuge 1.150 des 1.527 sièges en jeu, soit environ 75% des sièges.
Pendant ce temps, le gouvernement togolais dénonce une campagne orchestrée depuis l’étranger et annonce des poursuites judiciaires contre les instigateurs de ce qu’il qualifie « de désinformation et d’incitation à la violence ». Des organisations comme la Cedeao et la Conférence des évêques du Togo ont appelé à la retenue, à la fin des violences et à l’ouverture d’un dialogue pour apaiser les tensions. Un vent nouveau souffle en Afrique de l’Ouest et au-delà. L’aspiration d’un changement est profonde. Pour ne pas rater le virage, il faudra vite répondre aux exigences des populations pour éviter ainsi un réveil brutal. Car, comme dit l’adage, il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre et plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.
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