Féminisme, genre, équité, égalité, des concepts qui continuent à prêter à confusion dans notre cher pays. Ils éveillent souvent des suspicions chez certains esprits. Ils s’accrochent à une certitude : « se méfier du tropisme qui crée la nouveauté».
Or, à la faveur d’un combat porté par différentes générations de féministes, la société sénégalaise a connu de belles évolutions. Nos amazones ont réécrit, grâce à une rude bataille, les illustres pages de l’histoire de ce pays.
Elles ont fait fi des hostilités et critiques, conscientes qu’une solution magique ne fera jamais bouger les lignes. Elles se sont battues et continuent à se battre pour que des mutations s’opèrent, que les textes de lois puissent s’adapter aux réalités socio-économiques, avec comme objectif majeur d’asseoir une harmonie familiale.
Malheureusement beaucoup d’hommes n’ont pas saisi la portée de leur combat pensant à un duel engagé par une gent féminine rebelle. Des féministes en prennent pour leur grade vu qu’elles sont souvent présentées comme des frustrées, des mécontentes qui cherchent à prendre leur revanche sur le destin en écrasant sous leurs talons un système patriarcal à l’origine d’un certain ordre social. En France, par exemple, Simone de Beauvoir en a récolté des vertes et pas mûres suite à la parution de son ouvrage « le deuxième sexe ». Elle a été traitée de débraillée, de frigide, d’insatisfaite… Ses orientations ne sont pas les mêmes que celles des Sénégalaises mais elles aussi reçoivent des tirs groupés.
Les organisations féminines qui ont enclenché un processus de plaidoyer pour la réforme du code de la famille ne diront pas le contraire. Elles ont fait face à toutes sortes d’hostilités. Leur faute : avoir le courage de suggérer, par exemple, la révision de certains articles du document qui légifère la famille sénégalaise, dont l’article 152 qui confère le titre de chef de famille à l’homme. Le code adopté en 1972, a besoin d’être réactualisé.
Le contexte actuel exige que les conjoints puissent exercer leurs responsabilités à travers une responsabilité partagée, même s’il n’est pas attendu aussi que les deux partenaires soient dans l’obligation de participer à part égal dans le fonctionnement de la famille. En déléguant le titre de chef de famille à l’homme et en intégrant la notion de puissance paternelle ou maritale en ses articles 152 et 277, le Code avait pris en compte l’absence des femmes du marché du travail. Ces dispositions, qui lui étaient favorables, n’ont pas été son avantage au fil des ans.
Elle n’était pas en mesure de percevoir les allocations familiales attribuées au travailleur, de laisser en cas de décès un capital à ses enfants alors qu’elle cotise pour bénéficier d’une pension retraite, de participer au choix du domicile conjugal ou encore de bénéficier d’abattement de fiscalité ».
De grandes dames, comme la magistrate Maimouna Kane, se sont battues, sans relâche, pour que la femme ne soit plus privée de la moitié de son salaire en état de grossesse. Elle était aussi obligée de travailler jusqu’à la veille de son accouchement. « Nous avons réclamé le paiement intégral de son salaire pendant ses congés de maternité.
Ce qui est un droit acquis pour la femme » nous confiait-elle au détour d’un entretien. Les femmes ont compris qu’il leur faut utiliser toutes les armes à leurs dispositions pour bousculer des ordres bien établis et qu’il est bien possible de s’enrichir des apports positifs de l’extérieur tout en gardant les valeurs qui fondent leur identité.
Leur combat a permis, en octobre 2005, par exemple, le vote d’une loi à l’assemblée nationale permettant une prise en charge médicale du mari et des enfants par la mère travailleuse, au profit de toute la famille. Comme quoi, une remise à niveau est toujours nécessaire et que les notions d’autorité parentale, puissance paternelle, parenté conjointe, responsabilité partagée ont tout leur sens dans le contexte actuel.
Par Matel BOCOUM