La réélection des présidents Paul Biya du Cameroun et Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire pose le double défi de leur âge très avancé et de la jeunesse de leurs pays – comme d’ailleurs celle du continent. Il subsiste, apparemment, une contradiction évidente entre le nombre d’années vécues par ces deux présidents et leur prétention à prendre en charge les attentes d’une population très jeune, aux besoins spécifiques, à la vision différente du monde et avide des ruptures qu’elle espère vivre après des décennies de pouvoir incarnées par cette vieille garde.
En apparence seulement, car la vieillesse est perçue, sur le continent, comme une garantie de quiétude et de sagesse à toute épreuve. Ne répète-t-on pas à satiété la formule d’Amadou Hampâté Bâ, surnommé « le Sage de l’Afrique », selon laquelle « en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » ? Ainsi, le président Paul Biya, qui vient d’être réélu officiellement à 92 ans pour un huitième mandat, demeure le chef d’État le plus âgé au monde, tandis que son homologue de la Côte d’Ivoire signe, à 83 ans, un nouveau bail pour un quatrième mandat.
Le vieil adage espagnol peut être convoqué ici, tant pour sa beauté que pour sa justesse, afin de traduire cette réalité bien africaine : « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait. »
La question de la jeunesse africaine, qui constitue plus de 70 % de la population du continent, soulève de nombreuses interrogations quant à ses conditions de vie, ses perspectives d’avenir et ses espoirs, entre autres légitimes préoccupations. C’est en Afrique que l’on retrouve la population la plus jeune du monde, avec plus de 400 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans.
Une jeunesse qui devrait être le moteur d’un accroissement des investissements dans les facteurs de développement économique et social, en vue d’améliorer l’indice de développement humain. C’est sans doute dans cette perspective que de nombreuses politiques et programmes dédiés à la jeunesse, au niveau continental, ont été mis en œuvre pour tirer parti du dividende démographique.
Ainsi existent la Charte africaine de la jeunesse, le Plan d’action de la Décennie de la jeunesse et la Décision de Malabo sur l’autonomisation des jeunes, tous appliqués dans le cadre des divers programmes de l’Agenda 2063.
La Charte africaine de la jeunesse vise à protéger les jeunes contre toute forme de discrimination et leur garantit la liberté de circulation, de parole, d’association, de religion, de propriété et d’autres droits humains, tout en s’engageant à promouvoir leur participation dans la société.
Le Plan d’action de la Décennie de la jeunesse, quant à lui, s’articule autour de domaines prioritaires : éducation et développement des compétences, emploi et entrepreneuriat des jeunes, gouvernance, paix et sécurité, santé et droits en matière de santé sexuelle et reproductive, agriculture, changement climatique et environnement. Ce ne sont donc pas les initiatives ni les idées qui manquent pour la prise en charge des questions de jeunesse. Il reste à savoir si celles-ci sont réellement efficientes et efficaces pour doter le continent des meilleures ressources humaines, capables de changer les choses et d’opérer les ruptures nécessaires.
L’ancien président sud-africain ne disait-il pas que « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde » ? C’est en cela que cette éducation demeure incontournable pour préparer la jeunesse africaine aux nombreux défis qui assaillent le continent.
Longtemps présentée comme une force, une plus-value, la jeunesse africaine risque de devenir une bombe à retardement si elle n’est pas bien préparée à comprendre, à analyser et à négocier avec les urgences du continent, mais surtout à faire face, par son expertise et sa préparation, à ceux venus d’ailleurs dans ce village planétaire.
Encore faut-il résoudre les questions fondamentales que sont la nourriture, le logement et l’emploi. Il ne saurait y avoir substitution de l’intelligence réelle de la jeunesse africaine par une intelligence artificielle ; il s’agit plutôt de comprendre cette dernière afin de l’utiliser pour contribuer à la transformation du continent.
ibrahimakhalil.ndiaye@lesoleil.sn


 
								