La cohabitation entre entreprises minières et populations riveraines est souvent source de tension au Sénégal. Dès le départ, un malentendu survient à l’aune d’intérêts divergents. D’un côté ceux qui cherchent le profit, de l’autre ceux qui estiment que les ressources exploitées leur appartiennent et qu’on les leur arrache sans qu’ils en perçoivent les retombées. Alors s’installe un dialogue de sourd qui empêche, souvent, de trouver une solution qui aurait l’assentiment de toutes les parties. Marches, contestations, sorties dans la presse et parfois manifestations violentes jalonnent alors des relations déjà assez heurtées. C’est le cas, par exemple, à Kédougou, zone aurifère par excellence au Sénégal. On se rappelle encore des violentes manifestations en 2008 des jeunes de la localité soldées par un bilan humain et matériel lourd : un mort par balle du côté des civils, plusieurs blessés, une trentaine de manifestants arrêtés, des édifices publics (préfecture, mairie, tribunal) saccagés, des dossiers officiels brûlés. Juste parce que le sentiment de l’insuffisance des retombées minières du projet minier de Sabodala était grand. Si, dix-sept ans après, on n’a pas le sentiment que grand chose ait changé dans la vie des Kédovins grâce à l’exploitation aurifère, les manifestants peuvent se consoler d’avoir obtenu, au moins, l’érection de la localité en région.
A Thiès, première région minière du Sénégal (alors que le commun des Sénégalais pense que c’est Kédougou) – avec deux cimenteries, des industries phosphatières dont Ics, Gco… – en termes de revenus générés selon les différents rapports de l’Itie, on n’a pas encore assisté aux mêmes scènes de révoltes urbaines qu’à Kédougou. Mais, le feu couve sous les cendres depuis quelques années et les flammes pourraient lécher les pieds des autorités si rien n’est fait pour l’étouffer. Tantôt ce sont les Ics qui irritent les populations, tantôt c’est la Gco qui les agacent. Les récriminations sont toujours les mêmes : détérioration de l’environnement, politique de Responsabilité sociétale des entreprises pas ambitieuse, non recrutement des jeunes des localités d’installation de ces usines, absence d’investissements dans des infrastructures socio-économiques de base au profit des populations…Pour ces mêmes raisons, depuis quelques temps, les habitants de Lompoul et les responsables de Gco se regardent en chiens de faïence. A écouter les arguments des uns et des autres, difficile de trancher sur le vif. Dans un pays au tissu industriel encore peut dense et qui reste l’une des plus grandes niches d’emplois, le pragmatisme commande de ne pas freiner les investissements privés dans le secteur. Mais cela doit s’accompagner par une politique de préservation de l’environnement et de prise en compte des aspirations légitimes de bien-être (économique et sociale s’entend) des populations qui vivent aux alentours. Un juste équilibre qui rendrait toutes les parties contentes.