Un des grands dirigeants du pays eut dit, un jour au début des premières années de l’indépendance, que Kédougou allait devenir un jour « la future Californie du Sénégal ». Clairement avisé et inspiré qu’il fut par le conseil expert de la géographe Régine Van-Chi-Bornadel qui avait conclu son étude sur la géologie des gîtes minéraux dans l’Atlas national du Sénégal (1977), sur cette note d’espérance. À savoir que : « les secteurs orientaux du sud-est sénégalais à proximité de la Falémé recèlent d’intéressantes richesses minières : fer à haute teneur, cuivre et chromite du Gabou, or alluvionnaire et en filons, marbre d’Ibel marbre et matériaux de construction divers (granite, grés schistes quartzites.) Tout cela encore inexploité, à l’exception du marbre d’Ibel ».
Cette parole (presque prémonitoire ?) n’est pas encore contredite par le décor actuel campé par deux chercheures du LARTES (Laboratoire de recherches sur les transformations économiques et sociales) pour qui la minéralisation qui s’accroît en profondeur, peut laisser supposer l’existence d’un potentiel d’environ quinze tonnes (15T) et à Kérékounda situé à 3,5 km au sud-est de Sabodala. Une preuve, s’il en est, que l’exploitation minière peut être considérée comme une opportunité de développement de la zone. Mais elle présente, cependant, selon elles, « des risques qui peuvent se prolonger à long terme ». L’insécurité et la dégradation du climat social qui lui sont consécutives sont de ces brulants problèmes liés à la subite ruée vers l’or dont Sobodala, localité où est installée la première société bénéficiaire d’une concession industrielle, est si emblématique. Ici, les préposés à la sécurité (agents d’une entreprise privée) ne paient pas de mine. Le site abritant la base vie du géant mondial de l’exploitation aurifère est quasi-bunkerisé. Il faut montrer patte blanche, aussi bien à l’entrée du site de production que partout ailleurs à l’intérieur du périmètre où sont installées les infrastructures hors-norme de production de la puissante firme ainsi que les somptueuses résidences où crèche son personnel cadres et d’expatriés. Signe d’un repli sécuritaire qui, ici, frise l’obsession, ce phénomène est surtout la preuve, par le vécu, que l’insécurité s’est installée, ici aussi, suite au rush vers le nouvel Eldorado, depuis 2009 que les gisements d’or de Sobodala sont exploités par l’industrie sur le périmètre minier éponyme. Et que les orpailleurs traditionnels (ceux-là qui espèrent faire fortune au prix de leur vie et qui vont chercher l’or à plusieurs mètres dans la roche friable et dans des sols parfois meubles) ne sont pas les seules cibles des brigands armés qui pullulent dans la zone.
Celui qui nous servait de guide sur le terrain et interprète pour l’occasion durant ce reportage (novembre 2012) est connu sous son pseudonyme de « Moro » (le grand). Mamadou Kouyaté à l’état civil. Il connait bien ce phénomène de violence armée pour avoir longtemps bourlingué entre les divers hameaux du ce patelin perdu. Il a quitté le lycée en classe de seconde Mamadou Kouyaté d’orpaillage traditionnel d’abord comme « creuseur d’or ». Puis, confie-t-il « dans la société de prospection Boart Longyear ». Avant de se retrouver pour quelques temps, employé dans l’usine de production de Sobodala comme conducteur d’engin et chauffeur. « Moro » raconte avec émotion ce singulier cas, (un des très nombreux qu’il connait) de cet ancien jeune notable kéduvien (habitant de Kédougou) devenu subitement très riche et célèbre qui a connu la mauvaise fortune par la suite. Pour avoir été attaqué, au crépuscule tombé, sur justement la même route de Khossanto, sur l’axe Bembou-Sambarabougou et dépouillé de près de 2 kg d’or traités, de sa « jakarta » (gros cylindré de dernier cri) et enfin d’une importante somme d’argent par des coupeurs de route masqués. Aujourd’hui, explique « Moro », cet homme erre dans les rues poussiéreuses et rumine sa folie dans la ville de ses origines.
Sur le modus operandi du braquage survenu en plein jour et dont ont été victimes les ingénieurs de la compagnie Randgold dans le secteur (épisode rapporté en 2012 par l’inspecteur régional des mines d’alors), on nous apprend qu’une bande composée d’éléments encagoulés et armés d’armes de guerre (des fusils d’assauts AK 478, donc de type « Kalach ») a installé des abattis sur la piste. Avant de s’attaquer à leurs victimes dont les pneus du véhicule ont été défoncés et tous leurs biens, ordinateurs portables, argent matériel de prospection et autres appareils, emportés. Étaient-ce les mêmes, ces malfrats, ceux-là, qu’au terme de leur rodéo dans le cadre de la sécurisation de cette zone à cheval sur trois pays (Guinée, Mali et Sénégal) que les hommes d’élite de la Marée chaussée ont arrêtés ce jour-là à Mama Khonto ? (Voir notre chronique « Terreau » du mercredi 2 juillet 2025). Qu’importe ! la question sécuritaire restée lancinante durant les années mérite plus que jamais d’être correctement adressée aujourd’hui que le contexte géopolitique sous-régional est devenu très volatile. Et que d’autres indices ont été mis à jour dans les revues Indice or, notamment dans les sites de Falombo, Khossanto, Mako, Kharakhéna ; selon l’étude de cas conduite dans cette zone aurifère par le laboratoire Lartes qui signalait, en 2012, qu’avec l’arrivée de grandes sociétés industrielles, « le pays entre en force dans de vastes opérations minières ».