Dix jours. C’est ce qu’il a fallu pour que le régime baassiste de Syrie, au pouvoir depuis 1971, d’abord incarné par le père, puis le fils, tombe. Qui l’eût cru ?
Lorsque les vagues rebelles ont commencé à avancer vers Damas, faisant tomber une à une les principales villes syriennes sans coup férir, personne n’aurait pu imaginer que l’équipée allait aboutir à ce dénouement qui met ainsi fin à 53 ans de règne familial et à 13 années de guerre civile déclenchée en 2011 dans la foulée du Printemps arabe. Par sa rapidité et son efficacité, cette victoire du groupe armé islamiste Hayat Tahrir Al Cham, dirigé par Abou Mo hammad al-Jolani, peut être qualifiée de « Blitzkrieg » ou « guerre éclair », du nom de cette tactique militaire utilisée par les Allemands durant la Se conde Guerre mondiale pour contrôler presque toute l’Europe en un temps record.
Pour avoir tenu 13 ans, alors que ses anciens homologues présidents arabes, dont Mouhamar Khaddafi en Libye, Ben Ali en Tunisie, Hosni Mouba rack en Égypte, Omar el-Béchir au Soudan, ont été tous balayés par les vents de contestations qui ont soufflé sur le monde arabe en 2011, Bachar al-Assad avait fini par passer pour un indéboulonnable, un homme droit dans ses bottes d’ancien militaire démobilisé. Pour cause, son pouvoir avait réussi à résister aux forces rebelles kurdes, aux of fensives de l’État islamique, aux attaques d’Al-Qaïda au prix de plusieurs centaines de milliers de morts. Malgré le carnage en Syrie devenu, au fil du temps, le terrain de jeu d’influence des pays voisins et le monde occidental notamment entre les États-Unis et la Russie (principal soutien du régime), celui qui avait remplacé son père, Hafez al-Assad, au pouvoir, en 2000, n’avait jamais donné l’air d’un dirigeant en passe de perdre la main. Faut-il y voir un lâchage de la Russie et de l’Iran, les deux piliers qui lui permettaient encore de se maintenir au pouvoir à travers un soutien militaire massif ?
Toujours est-il que la chute de l’ancien homme fort de Damas est sur venue au moment où la Russie a décidé de se concentrer davantage sur la guerre qui l’op pose à l’Ukraine depuis maintenant plus de trois ans alors que l’Iran est empêtré dans un conflit à fleuret moucheté avec Israël qui peut dégénérer à tout moment et nécessite qu’il mobilise ses forces au nom de la défense nationale. Aveuglé par le pouvoir, Ba char al-Assad, ophtalmologue de formation, n’a pas vu venir la déferlante. Jusqu’à la veille de la prise de Damas, ce qui reste de l’armée syrienne refusait encore de voir la réalité en face. Mais, les déclarations guerrières voulant faire croire que l’ancienne capitale du Califat omeyyade était une forteresse imprenable n’étaient qu’un coup de bluff, le dernier baroud d’honneur d’un homme et d’un pouvoir autoritaire dont le socle avait été posé par son père.
Par Elhadji Ibrahima THIAM