À Bangkok, le Chatuchak Week-End Market est bien plus qu’un simple marché. C’est une ville dans la ville. S’étendant sur plus de 14 hectares, il rassemble près de 15 000 stands répartis en 27 sections parfaitement organisées : artisanat, vêtements, antiquités, plantes, animaux, objets de décoration, livres ou gastronomie, etc. Ouvert uniquement le samedi et le dimanche, Chatuchak attire chaque week-end plus de 200 000 visiteurs. C’est aussi une adresse incontournable pour les touristes de passage dans la capitale thaïlandaise. Les commerçants animent ce gigantesque labyrinthe où tout semble se vendre et s’acheter. Malgré la foule, l’organisation y est remarquable : des allées numérotées, des zones thématiques clairement identifiées, et une propreté maintenue par une logistique bien rodée. Le marché dispose aussi de plusieurs points de restauration, fontaines d’eau, zones de repos et même d’un poste de secours.
Chatuchak est la Mecque du petit commerce en Thaïlande. Dans ce pays asiatique, qui fait partie des plus visités au monde, l’occupation de l’espace public par le commerce et les autres activités socio-professionnelles obéit à une organisation parfaite. C’est aussi le cas des expositions. D’ailleurs, le pays s’est doté d’un centre des expositions : le Thaifex – Anuga Asia. Un temple du commerce agroalimentaire et de l’innovation installé dans le vaste complexe Impact Muang Thong Thani, à une vingtaine de kilomètres du centre-ville. Il s’étend sur plus de 130 000 m² de surface d’exposition, répartie entre 11 halls climatisés et parfaitement organisés. Avec des secteurs thématiques et des signalétiques. Chaque année, fin mai ou début juin, Thaifex accueille pendant cinq jours plus de 3 000 exposants venus d’une cinquantaine de pays et près de 80 000 visiteurs professionnels venus de la Thaïlande, d’Asie, mais aussi du reste du monde.
Face au désordre urbain et à la prolifération des vendeurs ambulants, le Sénégal gagnerait à s’inspirer du modèle thaïlandais, où l’État a su concilier commerce populaire et organisation moderne. Bangkok a réussi à structurer ses marchés, comme Chatuchak, en espaces fonctionnels, propres et rentables, tout en développant des pôles d’envergure mondiale tels que Thaifex, centre d’expositions ultramoderne. À Dakar, le Cices, jadis vitrine du commerce africain, pourrait être réaménagé pour accueillir les commerçants ambulants dans des halles couvertes, ordonnées et sécurisées. Ce regroupement permettrait de désengorger les artères de la capitale tout en offrant aux petits vendeurs des conditions dignes et un cadre fiscal formel.
Parallèlement, Diamniadio, nouveau pôle économique, mérite un centre international des expositions, différent du centre des expositions existant. Du reste trop petit, comparativement au rôle, à la place et aux ambitions du Sénégal. Celui-ci pourrait être inspiré de Thaifex et accueillir salons, foires et grands événements économiques, africain ou mondial. Un tel projet stimulerait l’investissement, valoriserait la production locale et placerait le Sénégal sur la carte des rendez-vous commerciaux mondiaux.
Toutefois, on peut être optimiste. En effet, le Sénégal qui doit accueillir l’année prochaine les Jeux olympiques de la jeunesse et qui travaille pour une émergence prochaine, s’est lancé depuis quelques semaines sur une opération de désencombrement de l’espace public. À Dakar, mais aussi dans plusieurs villes de l’intérieur du pays. Ces déguerpissements traduisent d’abord la faillite d’une planification urbaine longtemps tolérant l’informel. Les trottoirs en particulier et l’espace public en général, pensés comme biens collectifs, ont été progressivement annexés par des activités marchandes vitales pour des milliers de Sénégalais. Une pratique qui s’est installée avec la complicité tacite des autorités, souvent soucieuses d’éviter la confrontation sociale. Dès lors, une question s’impose : comment organiser durablement l’espace public, devenu un champ de tensions entre nécessité économique et ordre urbain ? De toute évidence, il y a une aspiration citoyenne portant sur des villes plus fluides, où la circulation, la sécurité et l’esthétique urbaine ne sont plus sacrifiées.
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