L’Angola a accueilli, en début de semaine, le 7e sommet Union Africaine-Union Européenne au mémorial Agostonho Neto, le héros de l’indépendance nationale. Pour les besoins du sommet et le cinquantenaire du pays, Luanda a construit un centre de conférences ultra-moderne dans le vaste complexe de 124.000 mètres carrés dédié à la mémoire du premier Président du pays et artisan de l’Angola moderne.
Le mémorial est un lieu de souvenirs. De mémoire surtout. Une reconnaissance de l’Angola pour celui qui a extirpé le pays de la domination et de la confrontation pour en faire une nation avec un commun vouloir de vivre en commun. Le Mémorial est, une tour de 120 mètres de hauteur, érigé à la lisière du quartier administratif, à côté de l’Assemblée nationale et face au vaste Océan atlantique. Il est construit sur trois niveaux avec des expositions, des salles de conférence. Dans le bloc central se trouve le sarcophage. Devant le bâtiment principal se trouve une réplique de Neto hissant le drapeau du pays. Il y a aussi une piste pour les défilés et une tribune. Le tout est entouré de parkings et de jardins très bien entretenus.
En effet, António Agostinho Neto est l’architecte de la nation, le pilier de la mémoire collective angolaise. Son rôle dans la construction de la nation angolaise dépasse largement celui du leader du Mouvement populaire de libération de l’Angola (Mpla) et premier Président proclamant l’indépendance le 11 novembre 1975. Il incarne la matrice idéologique, politique et culturelle qui a guidé l’Angola dans sa transition d’un territoire sous domination coloniale vers un État souverain en quête de cohésion, de justice et de modernité.
En vérité, Agostinho Neto fait partie des principaux catalyseurs de la conscience nationale angolaise. Il est aussi appelé affectueusement le « Père de l’Angola moderne ». Il a été, à la fois, intellectuel, médecin humaniste, poète visionnaire, militant radical et chef de guérilla. Une trajectoire personnelle qui reflète les tensions, les aspirations et les combats qui ont façonné l’Angola contemporain.
La proclamation de l’indépendance, dans un contexte de rivalités internes et d’ingérences étrangères, fut un acte fondateur qui fixa les bases de l’État angolais : centralité du pouvoir civil, affirmation du territoire, construction d’institutions naissantes, volonté de dépasser les fractures ethniques et régionales. Son œuvre littéraire est profondément ancrée dans la dénonciation de l’oppression et l’espérance d’un destin africain. Elle a contribué à l’émergence d’une identité angolaise, consciente de ses racines et de sa dignité.
Pour l’Angola, préserver la mémoire de Neto n’est pas un simple devoir de reconnaissance. C’est un acte stratégique. Une façon de consolider la cohésion nationale et de transmettre aux jeunes générations les valeurs qui ont rendu possible l’indépendance. Sa mémoire sert de boussole dans un pays encore en construction. Elle rappelle que l’avenir repose sur la capacité à unir, à dialoguer et à se réinventer.
En érigeant des lieux de mémoire comme le Panthéon en France, Freedom Park en Afrique du Sud ou encore le Lincoln Memorial aux États-Unis, les nations célèbrent des figures dont les combats incarnent leurs valeurs fondatrices. Ces espaces symboliques créent un récit commun, renforcent la cohésion civique et rappellent que l’État-nation se construit autour de héros partagés, dont l’engagement sert de repères, moral et identitaire, aux générations futures.
Le Sénégal a construit le Monument de la renaissance africaine pour rendre hommage aux héros africains et à l’émancipation du continent. Mais, au moment où la perte de repères se généralise dans le pays, la construction d’un panthéon ou de mémorial pour les citoyens qui ont consacré leur vie à la Nation, la République et l’État, ne peut que renforcer la fierté et le sentiment d’appartenance nationale. C’est un devoir de préserver leurs mémoires.
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