«Je suis venue avec lui parce qu’il est mon bébé. Il est avec moi 24/7 », confie Masseny Kaba, basketteuse professionnelle, présente à l’Afrobasket en Côte d’Ivoire avec l’équipe de Guinée. L’internationale guinéenne qui a grandi aux États-Unis a un français hésitant, mais est déterminée à allier sport et maternité.
Son parcours de vie et de sportive s’inscrit dans une de ces séquences dont la portée dépasse le symbole. Des lignes de fond qui viennent fissurer les certitudes, ébranler les dogmes et confronter certaines vérités… à leur propre contradiction. « Où sont les femmes ? », chantait Patrick Juvet. Elles sont là. Bien là. Avec, dans leurs bagages, tout ce qui fait ce qu’elles sont.
Pour certaines d’entre elles, la maternité est plus qu’Adn. Pourtant, elle est la cause depuis près d’un siècle d’une quasi-excommunication du sport, car étant longtemps perçue comme incompatible avec la pratique de haut niveau. Le XXe siècle n’a parfois rien eu à envier à l’obscurantisme que l’on attribue trop facilement au Moyen-Âge.
L’une des compétitions les plus prestigieuses, les Jeux olympiques de l’ère moderne, impulsés par Pierre de Coubertin, exclut quasi totalement les femmes en 1900. Pour quels motifs ? « La santé (sic), la féminité ». Pour quelles explications ? La fertilité des femmes, estimaient certains esprits étroits, ne faisait pas bon ménage avec l’effort physique.
Trente ans plus tard, les interdictions persistent. En 1932, les femmes sont toujours écartées des épreuves de 800 mètres, malgré les progrès réalisés. Celles qui ont ouvert la voie aux générations actuelles sont souvent restées dans l’ombre. Et pourtant, elles doivent beaucoup à la Fédération sportive féminine internationale, pionnière dans l’organisation de compétitions féminines, dont les Jeux olympiques féminins. À partir de là, les choses évoluent. Lentement, mais sûrement. L’histoire, jusqu’alors tragédie d’un combat perdu d’avance entre les femmes et un destin masculinisé, commence à changer. C’est la lutte de l’homme contre un destin inéluctable.
Dans les années 1930, les femmes n’ont qu’une présence symbolique, au mieux, dans les grands rendez-vous sportifs. Le football masculin organise sa première Coupe du monde en 1930, en Uruguay, sous l’impulsion de Jules Rimet. Il faudra attendre soixante et un ans, en 1991, pour qu’ait lieu la première Coupe du monde féminine.
L’Euro masculin est lancé en 1960 ; sa version féminine n’émergera qu’en 1984. Ce train de retard s’arrête aussi dans les gares africaines. Dans nos contrées pourtant marquées par des traditions matrilinéaires, la domination masculine devient la norme. La première Can masculine a lieu en 1957. La version féminine ne voit le jour qu’en 1991. Six pays, dont le Sénégal, se retirent à la dernière minute. Et pourtant, le pays s’apprête à organiser, l’année suivante, sa toute première Can.
Le week-end dernier, deux grandes compétitions féminines continentales ont offert, à quelques heures d’intervalle, deux scénarios qui démontrent que la femme, avec ou sans enfant, reste une athlète comme les autres. En finale de la Can féminine, le Nigeria d’Ajibadé (nouvelle capitaine), d’Oshoala, de Plumptre ou encore de Michelle Alozie, latérale fougueuse au short iconique, réalise une remontada spectaculaire face au Maroc. Menées 2-0, les Super Falcons s’imposent 3-2 à l’extérieur. De l’autre côté, les Three Lionesses d’Angleterre battent les championnes du monde espagnoles (1-1, 3-1 tab). Certes, aucune mère-joueuse n’était présente dans cette équipe anglaise. Mais ailleurs, comme en France, certaines femmes conjuguent maternité et haut niveau. À la Can, on a peu communiqué sur les joueuses-mères. Mais la maternité reste au cœur des débats du sport féminin. En 2022, la Zambienne Barbra Banda est écartée de la compétition pour des « raisons médicales » non précisées. Beaucoup soupçonnent des doutes sur son genre. Pourtant, la Fifa l’autorise, quelques mois plus tard, à participer à la Coupe du monde féminine en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Pour éviter que maternité et sport de haut niveau s’opposent, la Fifa a adopté en mai 2024 un renforcement des mesures de protection de la maternité, encourageant les fédérations à faciliter l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.
Une avancée qui fait écho à l’affaire Sara Gunnarsdóttir. La joueuse islandaise de l’Olympique Lyonnais avait vu son salaire partiellement suspendu pendant sa grossesse. Elle a porté l’affaire devant le tribunal du football de la Fifa, qui lui a donné raison. Elle a obtenu gain de cause, avec un rappel de salaire d’environ 55 millions de francs Cfa.
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