Et revoilà la triche ! Ces dernières années, pour ne pas dire depuis toujours, le spectre de la triche hante le système éducatif sénégalais. Pas une année sans qu’on parle de cas de fraudes lors des examens. Après les fuites qui ont éclaboussé, le mois dernier, le baccalauréat blanc à Dakar, notamment au lycée Blaise Diagne et au lycée mixte Maurice Delafosse, voilà qu’un autre scandale a éclaté, cette fois, à Thiès. Une trentaine d’élèves du lycée Jules Sagna, école que j’ai fréquentée quand elle n’était qu’élémentaire, ont récemment été interpellés pour avoir partagé via WhatsApp des épreuves d’examen en mathématiques, anglais et histoire-géographie. Une fraude à grande échelle qui a eu, comme contrecoups, le placement en garde à vue et le déferrement des élèves incriminés. La suite, tout le monde la connaît. C’est triste à dire, mais la tricherie est devenue très banale de nos jours, une gangrène que rien n’arrête. Pas même les méthodes anti-fraudes, parfois très drastiques, ni les dispositifs sophistiqués mis en place pour contrecarrer les …tricheurs professionnels. Tel l’Hydre de Lerne, ce monstre à plusieurs têtes qui se régénèrent chaque fois qu’on les tranche, elle refait chaque fois surface durant les examens. Quand il s’agit de tricher, les candidats font toujours preuve d’imagination, avec des stratagèmes à couper le souffle, déploient des trésors d’ingéniosité pour déjouer la vigilance des examinateurs. Il y a quelques années, l’affaire du jeune homme qui s’était travesti pour passer le baccalauréat, à Diourbel, à la place de sa dulcinée qui « avait de sérieuses difficultés en anglais », avait fait les choux gras de la presse. L’image du jeune homme de 22 ans, vêtu d’une robe, le cou orné d’un châle avait fait exploser la toile. Certains avaient tourné en dérision ce pauvre « Roméo » pour qui cet acte était une très grande preuve d’amour, parce que lui-même dit avoir agi par amour. Arrêté et poursuivi pour usurpation d’identité et fraude à l’examen, il avait été placé sous mandat de dépôt par le procureur. Un autre scandale et pas des moindres avait aussi éclaté à Tambacounda. Une élève s’était substituée à sa tante pour passer l’examen du Bfem à sa place. La supercherie n’avait pas fonctionné. Découverte grâce à la vigilance des surveillants, elle avait été jugée et avait écopé d’une peine de deux ans avec sursis.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, ce geste immoral qu’est la tricherie culmine au point de devenir une maladie contagieuse. Les ambitions de réussir et la quête de pouvoir y sont pour beaucoup. Et parfois, cette forme de malhonnêteté, ce comportement contraire à l’éthique, n’épargne pas les plus brillants quand les plus faibles sont plus portés à tricher dans les matières qu’ils jugent moins importantes si ce n’est toutes les matières. Mais qu’est-ce qui incite vraiment les gens à vouloir tricher ? La quête d’une meilleure note est la motivation première puisque ce phénomène de société devenu récurrent implique toujours l’obtention d’un diplôme ou d’un avantage indu. Certains, avec une morale à géométrie variable, sont prêts à tout pour être premier de la classe, de la promotion. Et pourtant, dans notre pays comme un peu partout dans le monde, la triche est sanctionnée par la loi ; des sanctions pouvant parfois aller jusqu’à l’interdiction de passer les examens pendant une période de cinq ans. Elle peut même être passible d’une peine de prison… Ce n’est hélas pas suffisant pour dissuader ces maîtres dans l’art de la triche. Le hic, c’est que la tricherie n’est pas seulement spécifique à l’école. Elle est présente dans (presque) toutes les sphères de la société ; que ce soit la politique, la santé, l’économie, les entreprises ou encore la déclaration d’impôts, le football qui pue la fraude à plein nez. Bref, partout, on contourne les règles quand on se sent limité ou peu enclin à fournir des efforts.
Avec l’intérêt qu’elle suscite, la tricherie n’est pas prête de fléchir. Au contraire, elle a de beaux jours devant elle. Elle semble faire partie de l’Adn de certains, de la nature humaine, procure à certains des sentiments de satisfaction personnelle. Ce que l’on oublie, c’est que tricher est préjudiciable pour la société. Pour notre équilibre moral, nous devons respecter un code d’honneur. C’est l’un des moyens de prévention les plus efficaces après le travail qui donne de meilleurs résultats. Mais quand on a l’éthique très élastique, c’est plus facile à dire qu’à faire. Avec le baccalauréat et le Bfem qui se profilent à l’horizon, les examinateurs ont du pain sur la planche.
sambaoumar.fall@lesoleil.sn