L’écologie est orpheline de son Padre des justes causes. Et c’est l’Afrique et les pays pauvres du Sud (avec eux la Société civile internationale en lutte contre la secousse (le backlash) anti-climat, anti-souveraineté économique et politique) qui perdent un allié de poids et un vénéré défenseur.
A preuve : l’Accord historique de Paris qui est le socle de la nouvelle architecture mondiale pour un nouveau régime pour le climat et le financement de la crise climatique n’aurait jamais existé sous sa configuration actuelle si, n’était parue, quelques mois plus tôt, pour alerter sur les enjeux, l’Encyclique Laudato si (« Loué sois-tu, Sur le soin de la maison commune »). C’est-à-dire de ce premier texte fouillé sur l’écologie et la crise climatique publié au nom de l’Eglise catholique, par le Pape François un semestre avant la tenue en novembre-décembre 2015 de COP de Paris consacrant cet accord éponyme sur le climat. Dans ce texte majeur, celui qui était l’archevêque argentin Bergoglio alerte sur les risques probants de la « destruction irrémédiable et sans précédent de l’écosystème » dont les facteurs anthropiques, c’est-à-dire les causes liées à l’action humaine sur le milieu naturel.
L’espérance née de cette exhortation apostolique est grande comme est belle et d’une singulière portée la suggestive allégorie, tout à son début, sur la Terre et les rapports que « chaque personne qui habite cette planète » doit avoir avec cette Terre. Le Pape « venu de l’autre bout du monde » y proclame : « La Terre proteste pour le mal que nous lui faisons, en usant et abusant de façon irresponsable des biens que Dieu a placés sur elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à tout piller. La violence qui existe dans le cœur humain, blessé par le péché, se manifeste aussi par les désastres qui affligent la terre, l’eau, l’air et les êtres vivants ». La seconde exhortation apostolique sur l’écologie intégrale, Laudate Deum, publiée le 4 octobre 2023, à la veille de la COP 26 Dubaï, est venue renouveler cette espérance en indiquant concrètement la voie quand le doute avait commencé à s’installer sur le financement de la crise climatique et l’issue espérée de l’Accord de Paris. L’Encyclique en question investit, en effet, le champ vaste de toutes les occurrences et problématiques du développement durable et de l’environnement.
Ce nouveau texte majeur du Successeur de Saint-Pierre traite de toutes les thématiques en lien avec « la triple crise planétaire » dont le caractère interconnecté des trois éléments constitutifs (les changements climatiques, la pollution et la perte de la biodiversité) dessine les horizons d’attente pour l’Humanité tout entière, du débat actuel sur l’environnement et le développement durable en tant que problématique au cœur de la géopolitique mondiale. Car, cette Encyclique campe clairement les enjeux actuels du binôme « Humanisme et écologie » que la philosophe Corine Pelluchon réinvestit (voir son récent ouvrage La démocratie sans emprise ou la puissance du féminin ; Rivages 2025), sous le prisme des revers pour la lutte écologiste et humaniste, consubstantiels aux violences institutionnelles portées par les lobbies climato-sceptiques aux basques du Grand Capital.
Violences qui constituent, selon elle, autant de formes de prédation aussi bien sur les écosystèmes que sur les droits démocratiques et les libertés des personnes. Mais en plus de cela, Laudate Deum renseigne et éclaire aussi et surtout, sur les enjeux économiques et financiers internationaux liés à la crise climatique, en tant que « polycrise » (au sens d’Edgar Morin). Mais également, en tant que révélateur des asymétries de développement entre deux mondes opposés donc deux forces aux antipodes. D’un côté, les pays riches du Nord industrialisé ayant construit leur croissance sur l’exploitation par tous les abjects biais (esclavage, colonisation, né-colonisation) et l’appauvrissement du reste du monde par la violence multiforme dont est symptomatique la dégradation croissante du climat du globe, résultat de l’action inconsidérée sur la Nature de ces pays qui sont aussi les plus grands émetteurs de gaz responsables.
Et de l’autre côté de la planète, les pays du Sud global au cœur duquel l’Afrique dont personne plus que le Pape François n’a porté plus haut le plaidoyer sur sa situation paradoxale : Grande oubliée du régime international sur le climat, l’Afrique est encore le continent le plus exposé aux effets adverses des changements climatiques alors qu’elle n’est responsable que pour moins de 04% des émissions planétaires des gaz à effet de serre, incriminées comme cause principale de cette crise climatique. L’aspect le plus saillant de la crise climatique et du débat international qui lui est connexe étant le caractère mouvant et indécis de l’architecture de la finance climatique mondiale, ces directives papales ont permis d’ouvrir, au sein de l’Eglise (mais pas que), une grande discussion sur les actions concrètes à conduire, ici et maintenant, sur le problème climatique et les moyens à déployer par les humains pour les résorber.