L’analyse des pratiques locales de conservation des forêts a permis de montrer que les produits forestiers non ligneux (Pnlf) jouent non seulement un rôle primordial dans la stratégie de survie des communautés locales (sécurité alimentaire, activités génératrices de revenus réguliers, apports en matière de pharmacopée et dans la médication traditionnelles).
Mais elle met aussi en évidence, au-delà de ces aspects strictement socio-économiques, cette dimension importante de leurs rapports intrinsèques et quasi-sacrés aux communautés ; lesquelles sont plus enclines à protéger les écosystèmes, sources des espèces emblématiques qui sont les pourvoyeuses des Produits forestiers non ligneux en question. Ainsi en est-il des rapports singuliers des communautés avec ces arbres fétiches que sont : le Kadd (Acacia albida) dans la région du Baol, du Palmier à huile en Moyenne et Basse Casamance, du Dimb (Cordilla pinata) dans la région du Sine Saloum et du Kabaada dans le Pakao-Fulaado (régions de Kolda et Sédhiou), etc. Mais aussi de toutes les autres espèces du genre, pourvoyeuses de sous-produits commercialisables et de moult autres biens et services écosystémiques comme les fruits de saison exploités par les communautés dans les zones de forêts aménagées, en rase campagne ou dans les zones de cultures. Selon une note technique du ministère de l’Environnement du développement durable et de la Transition écologique (Meddte), l’exploitation rationnelle et durable des produits forestiers non ligneux (Pfnl) a un impact moindre sur les écosystèmes de forêts par rapport à l’exploitation quasi-minière du bois.
Car cette forme de prélèvement (cueillette et ramassage) « ne provoque ni la mort des plantes, ni ne détériore la capacité de production des sols. Elle n’aggrave pas non plus le phénomène d’érosion des sols et n’implique aucune modification dans la structure et le fonctionnement de la forêt ». Ce qui permet des bénéfices écologiques considérables à court terme. La prise en compte de cette donne a sans doute été pour quelque chose dans l’évolution notée dans la gouvernance des ressources naturelles qui, des très dirigistes stratégies aménagistes d’État (conduites souvent en régies, durant les premières décennies de l’indépendance du pays), on a progressivement évolué vers des schémas de gestion des ressources naturelles forestières et fauniques qui intègrent les dynamiques communautaires. Mais également les visions endogènes dans les démarches de conservation et de préservation des écosystèmes naturels. L’intégration, plus franche dans les dispositifs de gestion de ces connaissances culturelles et des formes traditionnelles de valorisation des produits forestiers non ligneux considérées comme des « éco-sciences locales », est une marque de reconnaissance.
D’abord et avant tout, du statut de « parties prenantes » des populations locales elles-mêmes dont principalement les femmes qui s’investissent dans leur transformation des Pfln en produits de consommation courante. C’est le signe aussi d’un regain d’intérêt par les autorités en charge de la conservation de nos écosystèmes naturels qui s’est traduit par plus grand engouement en faveur du potentiel économique du sous-secteur et notamment en termes de création d’emplois massifs. Nombreux sont, en effet, les techniciens des Eaux et Forêts à confirmer ce passage de la note du Meddte selon laquelle l’application, à partir de 2005, de nouvelles dispositions en matière d’aménagement des formations forestières du pays a permis de « contenir la production de charbon de bois dans la limite des capacités de production des forêts aménagées, mais les stigmates sur les anciennes formations forestières sont restés visibles sauf une entreprise titanesque de reconstitution du couvert végétal ». C’est une preuve, par l’exemple, que la valorisation des Produits forestiers non ligneux est un sous-secteur économique rentable pouvant créer de la richesse et des emplois à l’échelle des collectivités territoriales. Mais qu’elle constitue aussi une alternative à la dégradation du couvert végétal consécutive à la désolante descente vers le sud-est du pays du front charbonnier qui, en moins de soixante-dix ans, a migré de la vallée du fleuve Sénégal au nord, jusqu’aux confins du Parc national du Niokolo-Koba (Pnnk). C’est-à-dire de cette réserve naturelle classée patrimoine mondial de l’Unesco où se trouvent les derniers bastions forestiers du pays.