Il avait un objectif économique et environnemental : nourrir les populations menacées et freiner l’avancée du désert accélérée par le changement climatique. 20 ans plus tard, le projet de la Grande muraille verte ressemble à une vision inachevée.
Pourtant, l’initiative a fait saliver plus d’un : relier 11 pays d’Afrique de Dakar à Djibouti. Initiée en 2007 par l’Union africaine, elle prévoit de traverser onze pays avec une bande de végétation de près de 8.000 kilomètres de long pour 15 kilomètres de large.
Objectif : ralentir la progression du désert et contrer les effets du réchauffement climatique. À l’échelle panafricaine, selon un bilan d’étape publié en 2020, seuls 4 % des objectifs fixés à l’horizon 2030 lors de la Cop21 ont été atteints. Cela remet sérieusement en cause le but visé d’ici à 2030, à savoir restaurer 100 millions d’hectares de terres, séquestrer 250 millions de tonnes de carbone et créer 10 millions d’emplois. L’Afrique se heurte toujours aux mêmes problèmes. De bons projets sont présentés, mais la mise en œuvre reste toujours un défi. Les raisons de cet échec sont à chercher d’abord dans le financement.
L’heure est venue pour les Africains de savoir financer leurs projets. Sékou Touré disait qu’un discours sur la révolution n’est pas la révolution. Donc crier urbi et orbi le souverainisme n’est pas le souverainisme. Attendre que les partenaires techniques et financiers pour porter les projets de l’Afrique est une gageure. Au même moment, les États rechignent à mettre la main à la poche et sont prompts à tenir un discours sur la souveraineté alimentaire ou à jeter le discrédit sur l’Occident accusé d’être impérialiste. Il s’agit surtout de savoir ce qu’on veut. De plus, le peu de financements que le projet parvient à capter sert au fonctionnement (salaires, véhicules, indemnités…). Quelle est la pertinence de cette décision de recruter 7.000 jeunes juste pour satisfaire une clientèle politique ?
Des ressources humaines sans formation ni compétence requise, selon les audits de l’Agence panafricaine de la Grande muraille verte logée à Nouakchott. Et comme la gestion financière n’est pas des plus transparentes, les bailleurs de fonds, ayant tout compris, créent leurs propres entités pour gérer les fonds au nom de la Grande muraille verte. Ainsi, le tracé initial est dévié. Initié au début dans les régions de Louga, Matam et Tambacounda, le tracé de la Grande muraille verte se retrouve aujourd’hui à Kédougou, Kolda… De l’Agence sénégalaise de la reforestation et de la Grande muraille verte aux Ong en passant par des collectifs… Toute une panoplie d’acteurs qui rendent illisible l’ambition du projet.
Il est temps que les États membres fassent preuve de courage pour reprendre cette initiative qui pourrait sortir cette partie de l’Afrique de la pauvreté et des effets du changement climatique. Pour cela, voir 4 ministres lors d’un Conseil des ministres à Dakar, en février 2025, n’est pas de nature à susciter l’intérêt autour de ce projet panafricain. En outre, la Mauritanie, seule à jour s’agissant des contributions annuelles de 100 millions de FCfa, sonne comme un désintérêt. Depuis le départ de Wade, la Grande muraille verte subit vertigineusement l’avancée de la bande salée. Son successeur Macky Sall s’est limité à gérer le fonctionnement de l’Agence de la Grande muraille verte. L’heure des investissements a sonné.
Et des investissements structurants. Des sommes qui ne seront pas quémandées dans les rencontres internationales. L’Afrique doit financer son développement. Débuter par la Grande muraille verte ne serait pas une mauvaise idée. Les résultats pourraient garantir la sécurité de l’eau, l’autosuffisance alimentaire, un cadre de vie verdoyant, une agriculture plus performante. Le Sénégal a reçu plus de 87 milliards de FCfa, la semaine dernière, de la Fao dans le cadre des fonds verts climat, on y reviendra dans nos prochaines chroniques. Mais à l’heure où les autorités annoncent la restructuration du projet, cette manne financière pourrait constituer un nouveau départ dans le bon sens du terme. Car pour l’instant, la Grande muraille verte relève juste d’un mirage. bgdiop@lesoleil.sn